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"La Valse des pantins"

La valse des pantins - affiche

titre original "The King of Comedy"
année de production 1982
réalisation Martin Scorsese
scénario Paul D. Zimmerman
photographie Fred Schuler
montage Thelma Schoonmaker
interprétation Robert De Niro, Jerry Lewis, Sandra Bernhard, Diahnne Abbott, Shelley Hack, Liza Minnelli, Catherine Scorsese
caméos Martin Scorsese, Charles Scorsese, Mary Elizabeth Mastrantonio, Mick Jones, Joe Strummer, Paul Simonon (les 3 membres du groupe The Clash)

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Un comique manqué, obsédé par son idole, l'enlève et devient célèbre. Martin Scorsese confronte Robert De Niro et Jerry Lewis, qui joue presque son propre rôle. Une vision sombre et sardonique du monde des émissions télévisées et des fans.

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Scorsese retrouve ici le ton acerbe des comédies de Billy Wilder pour dénoncer l'arrivisme féroce des gens de la télévision : la valse des pantins, c'est celle des présentateurs du petit écran. Robert De Niro éclipse totalement Jerry Lewis dans le film.

Les commentaires de Pierre

Revu cette balle intersidérale. Bon, juste quelques remarques en passant :
- Il y a un peu un effet "Scarface" sur ce film : en VO, c'est tout de suite plus sérieux.
- Il y a une scène où un truc bizarre m'avait toujours échappé : dans la scène au restaurant où De Niro montre sa collection d'autographes à Diane Habbot, il y a un mec derrière lui à l'arrière plan qui mime ses répliques ! C'est zarrebi. Revoyez-le, j'aimerais bien votre avis.
- Les similitudes avec "Taxi driver" sont assez frappantes, quand même : la fin est même strictement identique, ça ne m'avait jamais frappé à ce point ; d'ailleurs, De Niro n'est pas moins bon ici.
- La scène de "True Romance" où Christopher Walken dit « I love this guy » à Dennis Hopper avant de l'embrasser est une réplique EXACTE de ce que fait De Niro avec un faux Jerry Lewis en carton !
Voilà !

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"La Valse des pantins" occupe une place à part dans la filmographie de Martin Scorsese. La tonalité jusque-là globalement noire des films du réalisateur, de "Who's That Knocking at My Door" (1967) à "Raging Bull", a longtemps fait passer "La valse des pantins" pour une comédie, sorte d'ovni traversant une filmographie marquée par le sceau du désenchantement et du dérèglement social, incarnés par des individus en rupture de ban. Impression comique renforcée par la présence au générique de Jerry Lewis.

En réalité, Rupert Pupkin, le fan kidnappeur joué par De Niro, rejoint Travis Bickle (héros de "Taxi Driver") parmi les laissés pour compte de la société américaine. Le désœuvrement consécutif au retour mal géré des GI ayant combattu au Vietnam pour l'antihéros de "Taxi Driver", l'enivrement aux paillettes d'une  jeunesse collée à l'écran cathodique pour Rupert Pupkin.

Plus de trente ans après sa sortie, "La Valse des pantins" se révèle comme prémonitoire de ce qu'est devenu aujourd'hui le rapport à la célébrité, banalisé par la multiplication des reality shows et l'influence insidieuse de la toile sur la mutation des rapports sociaux vers une confusion névrotique entre un anonymat déculpabilisant et l'accès facile à une notoriété éphémère. La prophétie d'Andy Warhol concernant le « quart d'heure de célébrité » auquel chacun d'entre nous peut prétendre, se vérifie tous les jours un peu plus, faisant grimper sans fin la surenchère médiatique qui tourne souvent à l'absurde.

Selon ce précepte et avec le recul, la question que l'on peut se poser est la suivante : Rupert Pupkin, quand il kidnappe Jerry Langford, célèbre showman (Jerry Lewis), souffre-t-il d'un syndrome névrotique mégalomaniaque ou, plus cyniquement, n'est-il qu'un froid calculateur en avance sur son temps ? À y regarder de plus près, Pupkin, dont le calme et la détermination sont à toute épreuve, semble avoir patiemment calculé son affaire, manipulant sa collègue groupie fortunée (Sandra Bernhard, génialement hystérique) et aussi Jerry, comique à l'ancienne qui n'a visiblement pas intégré le rapport au public qui se modifie à grande vitesse dans les années 80.

Cette thèse semble être accréditée par les rêves de Rupert qui montrent bien qu'à ses yeux, Jerry n'est qu'un marchepied vers la gloire. Quand la collaboratrice de Jerry (sublime Shelley Hack) lui conseille de faire ses armes en passant par le circuit traditionnel mais très aléatoire des petits cabarets, Rupert n'en n'a cure, connaissant un moyen beaucoup plus efficace et rapide de rejoindre son héros sur le devant de la scène.

Scorsese a longtemps hésité à porter à l'écran le scénario de Paul D. Zimmerman, qui lui avait été proposé au début des années 70 et qui échouera un temps à Miloš Forman. Il faudra la détermination de Robert De Niro, très sensibilisé au sujet, pour que le réalisateur, devenu davantage concerné par les revers de la célébrité, se saisisse de l'affaire. Pupkin, à l'image de Travis Bickle, est certes un marginal vivant encore chez sa mère, conservant ses rites et manies d'adolescent, mais son statut semble transitoire, comme s'il était en couveuse, attendant l'heure propice pour enfin basculer dans sa vie d'homme.

Il concentre sur sa seule personne les angoisses des deux complices désormais livrés aux affres de la vie sous les sunlights qui vous condamne à l'isolement sous peine de devenir la proie de tous les Rupert Pupkin qui arpentent les rues. John Lennon, à l'époque du tournage, venait d'être assassiné par Mark David Chapman (1980) et Jodie Foster, l'actrice de "Taxi Driver", avait été harcelée de longs mois par John Warnock Hinckley Jr., l'auteur de la tentative d'assassinat sur le président Reagan en 1981. Dans un tel contexte, on peut comprendre le regain d'intérêt de Scorsese pour le sujet, mais aussi y déceler la raison de la relative violence émanant de Pupkin, le réalisateur ne souhaitant sans doute pas susciter davantage de vocations criminelles.

Il n'empêche que sous ses airs de gentille comédie un peu moqueuse, "La Valse des pantins" reste encore aujourd'hui un des films les plus troublants de son auteur. À voir pour mieux comprendre la transformation de nos sociétés occidentales où l'image est devenue une raison d'être, mais aussi pour voir Jerry Lewis et De Niro à leur meilleur jouer à front renversé. Le Blu-ray permet de revoir ce film méconnu dans d'excellentes conditions et de comprendre le contexte de sa production grâce aux bonus.

Enfin, pour répondre à Pierre (cf. ci-dessus) à propos de la scène du restaurant où De Niro montre sa collection d'autographes à Diahnne Habbott (alors sa compagne dans la vie), il s'agit sans doute d'une petite touche humoristique pour les observateurs destinée à souligner le ridicule pathétique de Rupert Pupkin tout en montrant le charme de Diahnne Habbott (le quidam semble rechercher sa complicité) qui, décidément, ne peut pas rester plus longtemps avec un tel maniaque égocentré. Merci à Pierre pour son sens de l'observation, Scorsese masquant habilement la private joke en floutant légèrement le personnage en arrière-plan. La preuve que les bons films méritent d'être revus.

La valse des pantins - affiche italienne
Affiche italienne de "La Valse des pantins" © Enzo Sciotti
Robert De Niro, Jerry Lewis et Martin Scorsese
au festival international du film de Cannes 1983

Photos du tournage de "La Valse des pantins"

Jerry Lewis, Robert De Niro et Martin Scorsese
Martin Scorsese et Robert De Niro
Robert De Niro, Sandra Bernhard et Martin Scorsese
Robert De Niro, Martin Scorsese et Jerry Lewis

Le générique de "La Valse des pantins" conçu par Dan Perri

La valse des pantins - générique

La valse des pantins - générique