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"Traffic"

Traffic - affiche

titre original "Traffic"
année de production 2000
réalisation Steven Soderbergh
scénario Stephen Gaghan, d'après le téléfilm britannique "Traffik" de Simon Moore
montage Stephen Mirrione
interprétation Michael Douglas, Don Cheadle, Benicio Del Toro, Dennis Quaid, Catherine Zeta-Jones, Luis Guzmán, Miguel Ferrer, Albert Finney, James Brolin, Steven Bauer, Amy Irving, Erika Christensen
 
récompenses • Oscar du meilleur réalisateur
• Oscar du meilleur scénario adapté
• Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Benicio Del Toro
• Oscar du meilleur montage
• Ours d'argent du meilleur acteur pour Benicio Del Toro au festival de Berlin 2001
Prix Edgar Allan Poe 2001 pour Stephen Gaghan

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Trois histoires en parallèle parfaitement maîtrisées par Soderbergh et tournant autour de la drogue. Le film est inspiré d'une série de la télévision britannique mais en élargit les perspectives tout en conservant certains aspects documentaires. "Traffic" fut tourné par tranches et parfois de façon un peu anarchique. « Tout en gardant une idée claire de ce que je veux, dit Soderbergh, j'aime arriver sur le plateau sans savoir exactement ce qui va arriver. Certaines choses très intéressantes se produisent par accident. » Toutefois, ici, à l'inverse d'autres œuvres du réalisateur, tout paraît maîtrisé.

Extrait de la chronique de Bertrand Tavernier du 18 février 2013

Deux policiers mexicains saisissent un camion transportant de la drogue à destination des États-Unis, arrêtent ses conducteurs mais se font subtiliser leur butin et les prisonniers par une unité de paramilitaires commandés par un général. Cette séquence d’ouverture filmée sans aucun apprêt, avec du grain, caméra à la main, donne le ton de "Traffic". Les personnages – et avec eux le spectateur – semblent toujours marcher sur un terrain glissant, mouvant où il est difficile de se raccrocher à la moindre certitude. Celles du personnage de Michael Douglas sont balayées en deux minutes, à la fois par Seth, le jeune étudiant qui a entraîné sa fille dans la drogue et par le dealer de cette dernière. Les films sur la drogue prennent souvent un angle (la répression, la dépendance), abordent un aspect de la question. Dans cette œuvre polyphonique où quatre histoires (cinq si on fait des subdivisions) se répondent, s’entrecoupent, chacune traitée visuellement de manière différente, Soderbergh (qui me déclara avoir vu plusieurs fois "L 627") et son scénariste Stephen Gaghan (qui réalisa le très intéressant et complexe "Syriana", zone 2) mettent autant l’accent sur la partie policière que sur les répercussions intimes, humaines, les conséquences sociales, économiques, politiques générées par le narco-trafic. Et leur propos, dans son pessimisme précis, chiffres et faits accablants à l’appui, et synthétique, n’a pas pris une ride, bien au contraire. Tout ce qu’ils montrent (ravages causés par la corruption, milices privées, puissance financière colossale des narco-trafiquants, sottise de certaines mesures) semble encore plus actuel après ces dernières années de guerre contre la drogue, à la lueur des dernières statistiques : 20 à 25 milliards de dollars dépensés chaque année par le gouvernement fédéral, 55 000 morts au Mexique entre 2006 et 2011 sans compter les syndicalistes, les journalistes, 40% d’étudiants américains qui se droguent (+30% en 20 ans). La méconnaissance du terrain, dans "Traffic", dont font preuve les autorités américaines dès qu’il s’agit d’un pays étranger, sonne hélas juste et renvoie aussi bien à l’Irak qu’au Vietnam. La stupéfaction de Michael Douglas face à la réaction ahurie de leur allié, le général Salazar (inspiré par le général Gutiérrez Rebollo qui fut condamné à 70 ans de prison), devant l’idée d’une politique de soins, fait penser à celle de Robert McNamara, écoutant à Saigon, un toast du général Ky, vantant les mérites d’Hitler. "Traffic" bat aussi en brèche certains des principes fondateurs du cinéma américain, dont celui d’identification : nombre de personnages restent dans une zone grise, entre deux camps, quand ils n’en changent pas tout à coup (cf l’évolution de Catherine Zeta-Jones). Il n’y a pas de début, ni de vraie fin, aucune vraie résolution. Ni de solution. Tout est laissé ouvert, de manière plus européenne qu’américaine : un des principaux trafiquants est libéré, Michael Douglas abandonne le combat, la situation mexicaine est au point mort. Quelques petites victoires, ici et là, quotidiennes, individuelles : un stade est éclairé, un micro est mis sous une table, un père et sa fille se retrouvent. Film brillant, inspiré, magnifiquement joué dans les registres les plus différents de Benicio Del Toro à Don Cheadle en passant par Catherine Zeta-Jones, enceinte avant le début du film, ce que Soderbergh, très intelligemment, intégra dans le récit, renforçant l’originalité de son personnage. Qui évite les clichés, les figures imposées du genre, visuelles ou scénaristiques : les cadrages ne sont pas dramatisés (plongées, courtes focales renvoyant au film noir), la caméra est plus le plus souvent comme immergée au milieu d’une action, qu’elle semble attraper par hasard, sans la juger. On peut juste regretter, concession à la dictature de l’intrigue, que le personnage de Douglas soit le Monsieur anti-drogue et non pas seulement un des responsables importants de la lutte, ce qui rend certaines péripéties un peu trop symboliques. Pêché véniel au regard des vertus du film.

Blu-ray et DVD The Criterion Collection de "Traffic"

Traffic - affiche

Traffic - générique