titre original | "On the Road" |
année de production | 2012 |
réalisation | Walter Salles |
scénario | Jose Rivera, d'après le roman éponyme de Jack Kerouac |
photographie | Eric Gautier |
musique | Gustavo Santaolalla |
interprétation | Sam Riley, Garrett Hedlund, Kristen Stewart, Amy Adams, Elisabeth Moss, Kirsten Dunst, Viggo Mortensen, Steve Buscemi |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"Sur la route" de Jack Kerouac fait partie de ces œuvres réputées inadaptables, au même titre que "Madame Bovary", "À la recherche du temps perdu", "Voyage au bout de la nuit" ou "L’Attrape-cœurs". Celui qui s’y risque se heurtera aux exégètes de l’auteur, qui hurleront fatalement au sacrilège. Walter Salles n’a pas échappé à la malédiction, son film étant un échec au box-office et peu apprécié de la critique en général.
Il est clair que ceux qui connaissent l’œuvre de Kerouac ne pourront retrouver dans le film le foisonnement du livre écrit par Kerouac d’une seule traite sur un tapuscrit (Kerouac était une virtuose de la Remington) de 36 mètres de long à partir des notes prises et assemblées lors de ses errances sur le vaste continent qu’il traverse plusieurs fois dans le sens de la largeur, y intercalant une escapade très créative au Mexique. C’est sans doute trop attendre d’une adaptation cinématographique que de vouloir y retrouver intégralement l’esprit de l’auteur.
L’ambition de Salles, lui aussi habité par les grands espaces, était de rendre l’humeur d’une démarche qui constitua le ciment de la beat generation dont Kerouac refusera toujours d’embrasser totalement le prosélytisme et la recherche de respectabilité, qui piègeront ses compagnons de route que furent Allan Grinsberg et William Burroughs. Cette volonté de ne jamais vieillir en ne se posant nulle part est clairement incarnée dans le personnage de Dean Moriarty (Garrett Hedlund), en recherche d’identité faute de la présence d’un père qu’il suppose devenu clochard à Denver, et qui passe son temps entre l’absorption d’alcool et de benzédrine et une frénésie sexuelle dévastatrice. Le narrateur, Sal Paradise, qui est en réalité une représentation à peine romancée de Jack Kerouac lui-même, se nourrit de la présence à ses côtés du fantasque Dean pour alimenter ses rêves d’écriture.
Les grands espaces remarquablement filmés ne semblent être pour cette petite communauté, qui se compose et se recompose au gré des rencontres, qu'un simple décor entre deux étapes de beuverie et de débauches sexuelles. Walter Salles n’omet pas les grands moments de doute qui envahissent souvent Dean et Sal face à la vacuité de leurs existences et les dégâts affectifs induits par leur manque d’implication, notamment dans leurs relations avec les femmes. Ce tourbillon qui les entraîne souvent au bord du précipice peut faire peur, comme à Dean qui songe plus souvent qu’à son tour à en finir.
Le film, témoignage d’une époque autant que d’une œuvre, peut sans aucun doute servir d’introduction à l’univers de Kerouac, plus méconnu qu’on le croie généralement, et contribuer à désacraliser cette vie au bord des routes parfois magnifiée de manière un peu simpliste par les road movies qui ont fleuri depuis les années 1970.
Un film appliqué, mais au final un peu vain, comme la vie somme toute assez monotone et addictive des héros de "Sur la route". Mais pouvait-il en être autrement ?
On notera en sus de la magnifique photographie d'Eric Gautier, la qualité de la reconstitution des décors d'époque, qui donnent la crédibilité indispensable à ce type de films.