titre original | "A Quiet Place" |
année de production | 2018 |
réalisation | John Krasinski |
scénario | John Krasinski |
musique | Marco Beltrami |
interprétation | Emily Blunt, John Krasinski |
suite | "Sans un bruit 2" de John Krasinski, 2020 |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"Sans un bruit" aura été le succès surprise du box-office mondial de 2018. Plus de 300 millions de dollars de recettes pour un budget inférieur à 20 millions de dollars. II est sûr que la Paramount a dû se frotter les mains d'avoir laissé Michael Bay proposer la réalisation de ce projet dû à un duo de scénaristes (Scott Beck et Bryan Woods) venant de la télévision à John Krasinski, son acteur de "13 Hours" (2016).
Spoiler : Le pari a été gagné haut la main. La volonté de renouveler le genre horrifique s'exprime largement depuis maintenant une bonne quinzaine d'années à travers quelques petites sociétés de production qui doivent miser sur l'originalité pour se frayer un chemin à côté des blockbusters recyclant les comics Marvel. L'entreprise n'évite pas les emprunts aux codes traditionnels, mais elle vise à les insérer dans un écrin qui bouscule les habitudes tout en n'abandonnant pas leur justification première qui est de donner le frisson. John Krasinski, qui a réécrit en partie le scénario avec ses deux auteurs, se positionne exactement dans ce créneau.
Dans le contexte apocalyptique très en verve en ce début d'un XXIe siècle de tous les dangers pour la planète Terre et ses habitants rapidement exposé de manière classique (une ville désertée et dévastée et son supermarché ouvert à tous vents), une famille tente de survivre face à de terribles monstres invisibles qui surgissent au moindre son imperceptible qui les avertis d'une présence humaine. Comme c'est devenu la règle, les explications contextuelles qui pourraient créer une attente de la catastrophe chez le spectateur laissent la place à une immersion brutale dans un biotope inconnu et angoissant. Les moyens employés par Krasinski pour y parvenir sont certes un peu téléphonés mais relativement efficaces.
Il faut ensuite passer sur une invraisemblance scénaristique majeure (comment imaginer l'arrivée d'un nouveau-né alors que chacun marche sur la pointe des pieds et que les mots échangés se comptent sur les doigts de deux mains?) pour se laisser aller à suivre cette histoire bien dans la tradition américaine, qui veut que la cellule familiale soit le bien le plus précieux pour lutter contre l'adversité. On mesure ici les limites de cette recherche permanente de sujets au propos extrême qui génère des contradictions parfois difficiles à surmonter.
Malgré cette réserve, la situation paroxystique extrême de "Sans un bruit" est parfaitement exploitée, notamment grâce à la jeune Millicent Simmonds qui incarne la fille sourde muette (l'actrice est elle-même sourde) du couple, ajoutant encore à l'étrangeté de la situation par le fait que son handicap ajoute une dimension dramatique supplémentaire au drame qui se joue. Pour ce qui est d'Emily Blunt, que dire d'autre que sa talentueuse présence cimente solidement l'ensemble de cette fratrie confrontée à l'indicible.
La chronique de Gilles Penso