titre original | "The Insider" |
année de production | 1999 |
réalisation | Michael Mann |
scénario | Michael Mann et Eric Roth, d'après l'article "The Man Who Knew Too Much" de Marie Brenner paru dans Vanity Fair en mai 1996 |
photographie | Dante Spinotti |
musique | Pieter Bourke et Lisa Gerrard |
production | Pieter Jan Brugge et Michael Mann |
interprétation | Al Pacino, Russell Crowe, Christopher Plummer, Diane Venora, Philip Baker Hall, Lindsay Crouse, Gina Gershon, Michael Gambon, Rip Torn |
Référence dans la littérature française
"Révélations" est cité sous son titre original par Pierre Safar dans son roman "Travelling fatal" (2025) :
« – Alors quoi ? Ça signifie que pour les Américains, toute personne qui divulgue une information ou qui la rend publique est forcément un salaud ?
– Bien sûr que non, me répondit Fournier, qui avait manifestement réfléchi au sujet, ce n'est pas aussi simple. Disons qu'il faut faire la différence entre d'une part les mouchards, les indicateurs, les véreux, et d'autre part ceux qui révèlent une vérité utile par courage. Le cinéma américain, c'est la lutte entre l'homme et la machine. [...] Regarde The Insider de Michael Mann. Tu te rappelles ce film ?
– Là, tu deviens franchement insultant.
– Pardonne-moi, Daniel, dit-il en reprenant du whisky. Alors Russell Crowe, là-dedans, a des informations importantes à donner au public sur l'industrie du tabac. Mais il ne peut pas le faire, parce que la machine lui interdit de parler. Ici, la machine, ce sont les grandes compagnies américaines, les avocats et surtout les médias. Alors que fait Russell Crowe ? Il s'exprime quand même. Il défie tout le monde. Et dans ce cas, c'est lui, le lanceur d'alerte qui a du courage et qui a raison. En revanche, si le protagoniste utilise les médias pour son intérêt personnel, ou s'arrange avec la vérité, alors il bascule du côté de la machine, et donc du mal. Regarde par exemple The Harder They Fall avec Bogart. Donc, tu vois, tout cela est nuancé en réalité. »
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Ce film repose sur des faits authentiques qui provoquèrent en 1994 une grande offensive, soutenue par le procureur général du Mississippi, Michael Moore (qui joue ici son propre rôle), contre les géants américains de l'industrie du tabac. Superbe interprétation.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Il peut sembler étonnant de voir Michael Mann, plutôt habitué aux films de genre épiques, s'intéresser, tel Sidney Lumet, à un sujet mettant en cause le fonctionnement des institutions de son pays à travers la dénonciation du pouvoir exorbitant des lobbies dont le cynisme, pourtant bien connu, fait toujours froid dans le dos quand il est exposé de manière si habile et brillante.
Car ne nous y trompons pas, derrière la volonté de dénoncer, c'est bien le savoir-faire de Michael Mann pour instiller le suspense que les producteurs sont allés chercher. À l'arrivée, le spectateur se trouve en face de ce qu'il peut espérer de mieux en allant au cinéma : un film qui fait réfléchir tout en divertissant, avec pour tête d'affiche un casting haut de gamme assurant un succès populaire générateur d'un cercle vertueux.
"Révélations" n'empêchera sans doute pas les géants de l'industrie du tabac de continuer à prospérer sur la mort de leurs congénères, mais au moins, l'information sera passée et le public pourra se sentir informé. À l'aube des années 2000, le cinéma américain, souvent décrié pour son sens marketing, prouve une fois de plus qu'il n'a pas son pareil pour regarder en face l'histoire de son pays ou les tares de la société au sein de laquelle il prospère. Le cinéma français est souvent bien plus frileux pour s'engager sur la même voie. La guerre d'Algérie, par exemple, n'a été que tardivement traitée, un film comme "La Bataille d'Alger" de Gillo Pontecorvo, tourné en 1966, n'ayant été autorisé sur les écrans français qu'en 1970.
Le scénario de "Révélations", écrit conjointement par Michael Mann et Eric Roth, s'inspire de l'histoire vraie de Jeffrey Wigand (Russell Crowe), chef de la recherche et du développement chez Brown & Williamson (troisième plus grand cigarettier du monde), qui en 1996, avait accusé son employeur de mélanger à son tabac des substances chimiques aggravant la dépendance. Si aujourd'hui les lanceurs d'alerte commencent tout juste à être protégés, ce n'était bien sûr pas le cas au début des années 2000. La relation tendue qui se tisse entre Wigand et Lowell Bergman (Al Pacino), le producteur d'une émission d'investigation, qui sert de base au suspense voulu par Michael Mann, montre parfaitement les pressions qui s'exercent de toutes parts pour éteindre l'incendie quand la puissance du lobby se met en branle pour éviter le scandale destructeur.
Souvent seul face à ses doutes et à la dislocation de sa cellule familiale, Wigand, interprété par un Russell Crowe tout en nuances, nous démontre que c'est armé de convictions inébranlables qu'il faut aborder de telles croisades. On comprend aisément, à la vue des tiraillements qui déchirent Wigand, que les candidats ne soient pas nombreux.
Al Pacino et Christopher Plummer, vieux briscards des rôles à forte dimension dramatique, jouent parfaitement leur partition, accompagnant le plus loin qu'ils le peuvent ce chevalier sans armure. La musique de Pieter Bourke et Lisa Gerrard, utilisant avec justesse la voix caverneuse de la chanteuse de Dead Can Dance, renforce encore l'aspect dramatique de ce combat que n'aurait pas renié Don Quichotte.
Comme d'autres avant lui, Michael Mann aura mis son grand talent au service d'une noble cause contribuant à dessiner la forme souvent duale et foisonnante du cinéma américain.
Michael Mann et Dante Spinotti
"Révélations" est la quatrième collaboration du réalisateur américain avec le directeur de la photographie italien, après "Le Sixième Sens", "Le Dernier des Mohicans" et "Heat". Suivra "Public Enemies".
© The Beauty Of Michael Mann