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"Prisoners"

Prisoners - affiche

titre original "Prisoners"
année de production 2013
réalisation Denis Villeneuve
scénario Aaron Guzikowski
photographie Roger Deakins
musique Jóhann Jóhannsson
interprétation Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello, Terrence Howard, Melissa Leo, Paul Dano

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Le genre thriller, qui a donné son meilleur dans les années 1980 et 90, paraît ces derniers temps un peu à bout de souffle, ayant du mal à se renouveler dramatiquement. Dans ce contexte un peu morose, Denis Villeneuve, dont "Incendies", son film témoin sur les ravages des guerres au Moyen-Orient avec son final aussi inattendu que bouleversant, avait fait l'effet d'une claque, met avec "Prisoners" ses pas dans ceux de David Fincher ("Zodiac", 2007) et de Clint Eastwood ("Mystic River", 2003). On pouvait trouver pire inspiration.

C'est une longue traque dans l'espace restreint d'une petite communauté qui nous est proposée, faisant suite à la disparition de deux petites filles parties jouer pendant que leurs parents pensaient à tout autre chose que les surveiller. Villeneuve et son scénariste Aaron Guzikowski jouent sur les réactions opposées face à l'évènement pour entrainer habilement le spectateur vers différentes pistes.

Celle, violente et viscérale, de Keller Dover (Hugh Jackman,) le père de l'une des petites filles, qui se jette obstinément sur le premier coupable désigné, un jeune attardé mental (Paul Dano) dont le camping-car se trouvait sur les lieux de la disparition. Une réaction clairement justifiée par le préambule où Dover inculque de manière obsessionnelle et hystérique à son fils, le comportement à adopter face à une agression qui pourra aussi être contrée en cas de siège grâce aux réserves de tous genres qu'il entasse dans son garage. Celle du flic local ensuite (Jake Gyllenhaal), dont l'introspection lymphatique semble lui donner en permanence un temps de retard. Personnage sur lequel Villeneuve a choisi de rester volontairement énigmatique quant à sa psychologie et son environnement personnel. Celle de l'autre père (Terrence Howard) et de son épouse (Viola Davis) enfin, couple légaliste qui, tout à la fois par lâcheté mêlée au désir de savoir, laissera Dover s'enliser dans les remugles de son obsessionnelle enquête personnelle orientée sur un unique coupable devenu victime plus que bourreau avéré.

Tant qu'il joue sur ces oppositions, lentement mises en place avec ce qu'il faut de rebondissements savamment distillés, Villeneuve agit en virtuose, créant une atmosphère étouffante renforcée par cette banlieue campagnarde en lisière de forêt dont, à dessein, on ne nous laisse jamais entrevoir les contours. Les choses se gâtent un peu quand l'intrigue doit trouver son issue et que les ficelles tout à coup nous paraissent un peu grosses tant brutalement le scénario semble pressé de se réapproprier en catastrophe tous les codes du film de serial killer alors qu'ils avaient été volontairement mis de côté pendant près de deux heures pour nous livrer un formidable film d'ambiance.

De ce fait, "Prisoners" semble au final un peu déséquilibré pour n'avoir pas su conserver sa cohérence jusqu'au bout comme l'avaient fait Fincher et Eastwood. Ce n'est pas très grave, Villeneuve étant alors un cinéaste en construction à qui on ne peut pas demander d'être en deux films l'égal de deux maîtres expérimentés.

Prisoners - générique