
| titre original | "Mrs. Parker and the Vicious Circle" |
| année de production | 1994 |
| réalisation | Alan Rudolph |
| scénario | Alan Rudolph et Randy Sue Coburn |
| photographie | Jan Kiesser |
| musique | Mark Isham |
| production | Robert Altman |
| interprétation | Jennifer Jason Leigh, Campbell Scott, Matthew Broderick, Peter Gallagher, Jennifer Beals, Wallace Shawn, Lili Taylor, Gwyneth Paltrow, Nick Cassavetes, Heather Graham, Stephen Baldwin |
Extrait de la chronique du 7 mars 2012 de Bertrand Tavernier
"Mrs Parker et le cercle vicieux" : ce film, qu’on trouve uniquement en zone 1 dans un DVD Image avec deux autres réalisations, phénomène exceptionnel dans le cinéma américain, ne parle pratiquement que de personnages, hommes et femmes, qu’on peut qualifier d’« intellectuels » new-yorkais : dramaturges, éditorialistes, humoristes, journalistes sportifs, critiques, directeur de magazine (le New Yorker). Avec un nombre très important de scènes chorales, collectives où une vingtaine de personnages se coupent la parole. Leurs rencontres quotidiennes, autour d’une table ronde de l’Hôtel Algonquin, leurs repas donnaient en effet lieu à des festivals de vacheries, de bons mots, d’aphorismes (ils recyclaient les meilleurs dans les journaux auxquels ils collaboraient). Alan Rudolph nous montre, à travers le destin tourmenté de Dorothy Parker, figure énigmatique, fascinante et tragique, comment un groupe peut imposer mais aussi étouffer un artiste, malmener sa vie privée, sujet original s’il en est. Elle devient prisonnière et aussi victime de leurs pratiques, de leurs égos, de leurs jalousies (Groucho Marx disait que pour faire partie du club, il fallait « avoir une langue de serpent et un poignard à demi caché »). De cette façon de privilégier le trait d’esprit sur tout sentiment durable. Un psychiatre lui fait remarquer que la vie du groupe prend le pas sur la vraie vie. Rudolph évoque avec beaucoup de sensibilité, de délicatesse l’amitié tendre qui l’unit au talentueux humoriste Robert Benchley (qui partira faire carrière à Hollywood comme auteur et acteur ; on se souvient de ses courts métrages, "Comment faire un film", "La Vie sexuelle des Polypes", qui ont été réunis dans un coffret et de ses apparitions dans de nombreux film dont "Correspondant 17"). Cette chronique poignante des faux pas, des occasions manquées, des aveuglements, trouve en Jennifer Jason Leigh l’actrice idéale. Nul mieux qu’elle ne sait montrer les fêlures et de l’âme et du corps. Sa diction étrange – elle étudia longuement la voix de Dorothy Parker et l’entendre dire ses poèmes justifie déjà la vision du film, sa gestuelle inspirée, sa liberté, sa manière de faire corps avec ses émotions sans les expliquer permettent d’explorer des zones d’ombre rares. Et finalement, on se dit que comme elle l’écrivit plus tard : « On subissait la terrible dictature du bon mot (wisecrack) qui empêchait absolument d’atteindre à une quelconque vérité. » Une occasion de revoir d’autre films d’Alan Rudolph comme "Wanda's Café", "Choose Me".