Menu Fermer

Mouvement des droits civiques aux États-Unis et cinéma américain

« They murdered folks in Alabama, they shot Medgar in the back »

Barbara Dane avec les Chambers Brothers dans la chanson "It Isn't Nice"

2 dates essentielles dans le processus d'abrogation des lois ségrégationnistes

- 2 juillet 1964 : abrogation par le Civil Rights Act, qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics
- 6 août 1965 : abrogation par le Voting Rights Act, qui supprime les tests et les taxes pour devenir électeur

À partir de 1863, au lendemain de la Guerre de Sécession, les droits civiques les plus élémentaires déniés auparavant aux Afro-Américains sont désormais garantis par plusieurs amendements de la Constitution :
• le treizième amendement du abolissant l'esclavage ;
• le quatorzième amendement de 1868 accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit ;
• le quinzième amendement de 1870 garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis.
Leur application est cependant entravée dans les États du Sud par les lois Jim Crow et par les divers règlements permettant la mise en œuvre de la ségrégation raciale. Ces États du sud ségrégationnistes sont le Mississippi, l'Alabama, l'Arkansas et la Floride.
De 1953 à 1969, la Cour suprême des États-Unis est présidée par le juriste et homme politique Earl Warren, ancien gouverneur de Californie. Pendant son office, ce républicain se montre beaucoup plus progressiste qu'attendu : la Cour rend de nombreux arrêts portant notamment sur l'inconstitutionnalité de la ségrégation raciale et les droits civiques. Parmi les plus célèbres, on peut citer Brown v. Board of Education, le 17 mai 1954, décision historique qui déclare inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques en rejetant la doctrine précédente « séparés mais égaux » (« La doctrine separate but equal adoptée dans Plessy v. Ferguson n'a pas sa place dans le domaine de l'éducation »), et Browder v. Gayle, le 13 novembre 1954, qui déclare inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans les transports publics.

28 août 1955 : assassinat de Emmett Louis « Bobo » Till

Le meurtre de cet adolescent afro-américain de 14 ans à Money, dans le l'État du Mississippi, est l'un des principaux événements à l'origine de la création du mouvement afro-américain des droits civiques.

♦ Le film américain "Emmett Till" réalisé en 2022 par Chinonye Chukwu retrace le combat de Mamie Till-Mobley, la mère de l'adolescent, pour obtenir justice après le lynchage de son fils.

5 décembre 1955 : début du boycott des bus de Montgomery

Le boycott des bus de Montgomery est une campagne politique et sociale entamée fin 1955 à Montgomery, dans l'État de l'Alabama, pour s'opposer à la politique municipale de ségrégation raciale dans les transports publics.
Consécutif à l'arrestation de Rosa Parks, une Noire américaine qui avait refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus, ce boycott a été l'un des événements majeurs du mouvement des droits civiques aux États-Unis.
Il dura du 5 décembre 1955 au 20 décembre 1956 (381 jours) et aboutit, le 13 novembre 1956, à une décision de la Cour suprême des États-Unis (l'arrêt Browdler v. Gayle) déclarant anticonstitutionnelles les lois d'Alabama imposant la ségrégation raciale dans les bus (la nouvelle n'étant parvenue à Montgomery que le 20 décembre, le boycott ne cessa que le lendemain).

♦ Le film américain "The Long Walk Home", réalisé en 1990 par Richard Pearce, est inspiré de ces événements. Le scénario, écrit par un natif de Montgomery, est tiré d'un court-métrage produit en 1987 par des étudiants de USC (University of Southern California, Los Angeles).

La ségrégation raciale est donc légalement abolie depuis 1956. Malgré cela, la ségrégation scolaire qui sépare noirs et blancs depuis la fin de la Reconstruction après la guerre de Sécession (période entre 1865 et 1877 ayant suivi la défaite des Sudistes et la fin de l'esclavage), entraîne des incidents chaque année.

10 janvier 1957 : naissance de la Southern Christian Leadership Conference

La SCLC est fondée après le boycott des bus de Montgomery par le pasteur Martin Luther King et d’autres pasteurs comme Fred Shuttlesworth, Joseph Lowery, Ralph Abernathy et des personnalités politiques comme Andrew Young, Bayard Rustin et John Lewis. Elle vise à lutter pour les droits civiques dans un esprit de non-violence chrétienne.

♦ Un film biographique consacré à Bayard Rustin est réalisé en 2023 par George C. Wolfe, le metteur en scène du "Blues de Ma Rainey".

Le fils et la veuve de Medgar Evers lors des funérailles
Couverture du 28 juin 1963 du magazine Life

12 juin 1963 : assassinat de Medgar Wiley Evers

Sa lutte, en tant que membre de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), contre les discriminations dont sont victimes les Noirs, et en particulier son rôle dans l'enquête sur le meurtre d'Emmett Till, valent au militant noir américain Evers d'être assassiné à l'âge de 37 ans par un membre du Ku Klux Klan, Byron De La Beckwith (reconnu coupable en 1994 seulement).
Son histoire inspire à Bob Dylan en 1964 la chanson "Only a Pawn in Their Game" (pour les paroles, cliquer ici), ainsi que "The Ballad of Medgar Evers (Too Many Martyrs)" à Phil Ochs.

♦ Le réalisateur américain Rob Reiner mettra en scène en 1996 l'histoire du procès qui a condamné le meurtrier, dans le film "Les Fantômes du passé". Le titre original du film, "Ghosts of Mississippi", fait référence au fait que le meurtre a eu lieu dans l'État du Mississippi (à Jackson).

28 août 1963 : la grande Marche sur Washington

Cette marche, qui réunit entre 200 000 et 300 000 personnes, est organisée par Asa Philip Randolph (fondateur du premier syndicat noir), James L. Farmer, Jr. (président du Congress of Racial Equality), John Lewis (président du Student Nonviolent Coordinating Committee), Martin Luther King (président du SCLC), Roy Wilkins (président de la NAACP), Whitney Young (président de la National Urban League) et Bayard Rustin, qui avait déjà organisé la Journée de la réconciliation de 1947.
Luther King y fait son discours historique « I have a dream » au Lincoln Memorial, où il se prononce en faveur de la tolérance et d'une nation multiraciale.
On doit en partie à cette grande marche le vote du Civil Rights Act de 1964 et celui du Voting Rights Act de 1965.

♦ Référence dans le film "La Dernière Marche" : « I like rebels. Some blacks is ok. Martin Luther King, he led his people all the way to DC and kicked the white man's butt. » (Sean Penn à Susan Sarandon)

Juin 1964 : Freedom Summer

Le Council of Federated Organizations, une coalition d'associations formée en 1962 (regroupant, derrière le Student Nonviolent Coordinating Committee, la NAACP, le Congress of Racial Equality et la SCLC), lance, dans le Mississippi, une campagne d'inscription électorale pour les Afro-Américains, le Freedom Summer. La plupart des volontaires sont de jeunes étudiants blancs du Nord, souvent juifs. Le Mississippi est choisi parce que c'est un des États doté du plus faible taux d'inscription électorale : seuls 6,7 % des électeurs potentiels noirs sont inscrits. Les responsables blancs les excluaient des listes via un cens électoral élevé, des tests d'alphabétisation difficiles, des menaces de sanctions économiques et des actions violentes (incendies, lynchages, etc.).

♦ Le film "Mississippi Burning" (Alan Parker, 1988) est inspiré de ces événements.
♦ Voir aussi le documentaire "Freedom Summer" (Stanley Nelson, 2014).

2 juillet 1964 : signature du Civil Rights Act, qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics

Est déclarée illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale. Conçue au départ pour protéger les droits des Afro-américains, la loi fut élargie à tous, hommes et femmes, à la suite d'un amendement déposé par Howard W. Smith.

21 février 1965 : assassinat à New York de Malcolm X

♦ Un film documentaire est réalisé en 1972 par Arnold Perl. Le narrateur est l'acteur James Earl Jones;

♦ Spike Lee réalise en 1992 un biopic (film biographique) consacré à cette figure emblématique des années 60, prêcheur musulman afro-américain et porte-parole national de Nation of Islam, intitulé "Malcolm X". Malcolm X y est interprété par Denzel Washington.

♦ Malcolm X est à nouveau incarné au cinéma en 2001 dans le film "Ali" de Michael Mann (dans lequel il est interprété par Mario Van Peebles), puis en 2020 dans le film "One Night in Miami" de Regina King (dans lequel il est interprété par Kingsley Ben-Adir).

7-25 mars 1965 : les marches de Selma à Montgomery (Alabama)

Ces 3 marches de protestation sont le point culminant du mouvement pour le droit de vote lancé par Amelia Boynton Robinson et son mari. Robinson a le soutien de nombreux représentants du Mouvement afro-américain des droits civiques à Selma, y compris Martin Luther King, James Bevel et Hosea Williams.
Le Bloody Sunday (« Dimanche sanglant ») : le 7 mars 1965, lors de la première de ces marches, 600 manifestants pour les droits civiques sont attaqués par la police locale avec des matraques et du gaz lacrymogène.
Neuf jours plus tard, Viola Liuzzo, militante blanche des droits civiques, assiste à une manifestation dans son université et appelle son mari pour lui dire qu'elle ira à Selma car « c'est le combat de tout le monde ». Elle est assassinée par le Ku Klux Klan. L'une des quatre personnes à bord de la voiture ayant tiré sur elle se révéla par la suite être un informateur du F.B.I., travaillant pour le programme COINTELPRO de surveillance des mouvements progressistes aux États-Unis.
Seule la dernière marche, commencée le 21 mars, est arrivée avec succès à Montgomery le 24 mars.
L'itinéraire est désormais matérialisé en tant que Selma to Montgomery National Historic Trail.

♦ Dans le film biographique américain "Selma" de Ava DuVernay, Martin luther King est interprété par David Oyelowo.

Couvertures des numéros des 19 et 26 mars 1965 du magazine américain Life

Couverture du numéro du 26 mars 1965 du magazine américain Life

6 août 1965
Signature par le président Lyndon Johnson du Voting Rights Act, qui supprime les tests et les taxes pour devenir électeur.
Bien qu'en théorie, les Afro-Américains disposaient du droit de vote depuis 1870 (depuis le vote des 14e et 15e amendements de la constitution des États-Unis), ce dernier était subordonné dans certains Etats du sud à la réussite à un test de type scolaire assez exigeant, auquel la plupart des Noirs échouaient. De plus, une taxe était souvent requise avant de voter, que la plupart des Noirs n'avaient pas les moyens de payer.
Lire à ce sujet l'article de William Mouelle Makolle et Laura Wojcik : www.lejournalinternational.fr/Voting-Rights-Act-mort-d-une-loi-historique-pour-l-egalite-raciale_a1004.html.

12 juin 1967 : arrêt Loving v. Virginia

Cette décision de la Cour suprême des États-Unis, rendue sous la présidence de Earl Warren et à l'unanimité des neuf juges, déclare inconstitutionnelle l'interdiction des mariages entre Blancs et Noirs qui existe alors dans plusieurs États ou toute loi apportant des restrictions au droit au mariage en se fondant sur la couleur de peau des époux.

♦ Le film américain "Loving" de Jeff Nichols (2016) raconte l'histoire du couple du même nom à l'origine de cette décision.

Hot summers : les émeutes raciales des étés 1965 et 1967

Hot summers (étés chauds) ou long, hot summer désigne les émeutes raciales survenues principalement dans les années 1960 dans les « ghettos » afro-américains de plusieurs grandes villes des États-Unis (Chicago, Los Angeles, Philadelphie, New York). Ces émeutes ont eu lieu pendant le mouvement des droits civiques américains. Des mouvements plus radicaux, tels que les Black Panthers, sont nés dans ce contexte.

11-17 août 1965 : les émeutes de Watts (Los Angeles, Californie, côte Ouest)
Les émeutes sont déclenchées le 11 août à la suite d'une altercation entre policiers et membres de la communauté afro-américaine de ce quartier majoritairement noir de la ville de Los Angeles qu'est Watts.
Bilan des 6 jours de violence qui suivront : 34 morts, 1 032 blessés, plus de 3 000 arrestations, 35 millions de dollars de dégâts matériels.
C'est dans ce même ghetto qu'éclateront les "fameuses" émeutes raciales de 1992.

Couverture du Time du 20 août 1965 et Couverture du Life du 27 août 1965

12-17 juillet 1967 : les émeutes de Newark (New Jersey, nord-est)
Bilan : 26 morts, 725 blessés, 1 500 arrestations.

Couvertures du 21 juillet 1967 du Time et du 28 juillet 1967 du Life

23 juillet 1967 : les émeutes de Détroit (Michigan, Middle West)
Les émeutes éclatent dans la partie est de la ville de Détroit, "the 12th Street riot" ; la Garde nationale et l'armée sont déployées afin de faire cesser les sanglantes hostilités. Bilan : 43 morts, 467 blessés, 7 200 arrestations, plusieurs dizaines de millions de dollars de dommages matériels (plus de 2 000 bâtiments détruits).

Couvertures du 4 août 1967 des magazines américains Life et Time

1967 : la "campagne des pauvres"

À la suite de la nouvelle législation, des émeutes raciales et de l'émergence, l'apparition du Black Power, qui radicalise la lutte pour les droits civiques en prônant le « nationalisme noir », Martin Luther King et l'équipe du SCLC lancent en 1967 la Poor People's Campaign, afin de lutter pour les droits sociaux et contre la pauvreté, sans distinction de race ; King, qui fait alors l'objet de critiques de la part de Life et du Washington Post, parle alors de « seconde phase » dans le mouvement des droits civiques : « Ce ne doit pas être seulement les gens noirs, mais tous les pauvres. Nous devons inclure les Amérindiens, les Porto Ricains, les Mexicains, et même les Blancs pauvres. »
Mais l'assassinat du pasteur en avril 1968 affecte lourdement la campagne qui, lancée tout de même en mai, ne peut réussir à atteindre ses objectifs du fait de son affaiblissement.

Couverture du Life du 8 mars 1968

Couverture du Time du 19 juillet 1968

4 avril 1968 : assassinat de Martin Luther King à Memphis (Tennessee)

♦ Référence dans le film "Captain America" : « You see, I have got proof that this Red Skull guy was closely involved in the murders of Robert Kennedy, John Kennedy, Martin Luther King... ».

Couvertures des magazines américains Life (12 avril 1968) et Esquire (octobre 1968)

Couverture du Life du 19 avril 1968

Couverture du Time du 11 janvier 1988

Couverture du Life du 12 septembre 1969