titre original | "Wild River" |
année de production | 1960 |
réalisation | Elia Kazan |
scénario | Paul Osborn, d'après les romans de William Bradford Huie et Borden Deal |
photographie | Ellsworth Fredericks |
musique | Kenyon Hopkins |
production | Elia Kazan |
interprétation | Montgomery Clift, Lee Remick, Jo Van Fleet, Barbara Loden |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Échec public, le plus souvent vertement accueilli par la critique, "Le Fleuve sauvage" a déconcerté son public. Ce que tous lui reprochent, c'est son ambiguïté gênante. Certes, on n'imagine pas d'emblée Montgomery Clift, son visage d'ange recousu marqué par le poids de conflits intérieurs, dans le rôle du héros positif américain luttant victorieusement contre l'obscurantisme d'un bas peuple attardé. Mais les ingénieurs n'ont-ils pas droit eux aussi à une âme ? On a reproché aussi à Kazan de ne pas avoir su choisir son camp. Il semble en effet accorder un crédit équivalent aux arguments d'Ella Garth (interprétée avec une grande force de conviction par l'exceptionnelle Jo Van Fleet), obstinément mais sincèrement attachée à sa terre, qu'à ceux de Chuck, qui promet l'arrêt des crues et une meilleure irrigation des cultures. Serait-il donc interdit à Kazan de respecter à la fois celle qui défend les droits de l'individu et celui qui lutte pour ceux de la collectivité ? Si le réalisateur avait clairement indiqué où allaient ses préférences, on l'eût sans nul doute accusé de manichéisme grossier. Car, au-delà des courants de pensée, ce qui intéresse Kazan, c'est l'homme et ses rapports avec autrui. Dépassant le cinéma engagé qui a été le sien plus tôt dans sa carrière et qui décide de qui a tort et de qui a raison, Kazan a fait du "Fleuve sauvage" une œuvre humaniste. N'imposant aucune certitude, le réalisateur fait coexister dans son film libéralisme et réaction, amour de la nature et suprématie du génie humain, éloge de Roosevelt et description un peu attendrie du Deep South. Dans ce monde complexe, seuls comptent les rapports frémissants ou paroxystiques entre créatures de chair et de sang.
Extrait de la chronique no 11 de Bertrand Tavernier du 21 décembre 2006
"Le Fleuve sauvage" est une œuvre bouleversante qui nous fait toucher du doigt, nous permet de comprendre de manière concrète, intime, profonde tout ce qui sépare l’Amérique de Bush de celle de Kerry. C’est dire la force, la modernité de cette histoire qui se passe à l’époque de Roosevelt, pendant le New Deal. Le scénario qui s’inspire notamment d’un livre de William Bradford Huie (auteur dont on devrait lire les livres) évoque l’affrontement entre ces deux Amériques : celle qui privilégie l’état, l’individualisme, les préjugés raciaux, la tradition, la bigoterie, l’attachement – parfois héroïque comme c’est le cas ici – à certaines valeurs contre celle qui met en avant l’État fédéral, le progrès, l’éducation, le Service Public.
Ce sujet inspire à Kazan ses plus belles scènes d’amour, entre Montgomery Clift et Lee Remick, tous deux admirables, miracle de lyrisme, d’émotion fiévreuse où abondent faux pas, hésitations, trébuchements, moments de culpabilité et d’abandon.
Des romans à l'écran
"Le Fleuve sauvage" est l'adaptation cinématographique de deux romans : "Dunbar's Cove" (1957) de l'écrivain américain Borden Deal (1922-1985) et "Mud on the Stars" (1942) de l'écrivain américain William Bradford Huie (1910-1986).
"Le Fleuve sauvage" est la deuxième adaptation pour le cinéma d'une œuvre de fiction de Huie, après "Bungalow pour femmes" (1956) de Raoul Walsh, d'après le roman "The Revolt of Mamie Stover" de 1951. Suivront "Les Jeux de l'amour et de la guerre" (1964) de Arthur Hiller, d'après le roman "The Americanization of Emily" de 1959, et "L'Homme du clan" (1974) de Terence Young, d'après le roman "The Klansman" de 1967.