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"La Forteresse noire"

La forteresse noire - affiche

titre original "The Keep"
année de production 1983
réalisation Michael Mann
scénario Michael Mann, d'après le roman homonyme de F. Paul Wilson
photographie Alex Thomson
musique Tangerine Dream
interprétation Scott Glenn, Jürgen Prochnow, Robert Prosky, Gabriel Byrne, Ian McKellen

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Film fantastique d'inspiration lovecraftienne tourné dans la tradition "gothique" de la Hammer. La mort du réalisateur des effets spéciaux, Wally Veevers, pendant le tournage, explique la seule faiblesse du film : le monstre, au bord du ridicule.

La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains

Série B hypertrophiée avec un budget de série A (comme souvent dans les années 80…) et un script de série Z : un monstre vampire décime des hordes de SS dans un château perdu en Transylvanie !

Pas de star, une esthétique de vidéo clip, des coupes au montage, de fausses bonnes idées de casting (Jürgen Prochnow en gentil nazi et Scott Glenn en demi-dieu inexpressif…), une musique de Tangerine Dream juste horrible. On pense, par moment, à l’inquiétant Golem de Wegener, mais le tout semble noyé dans des visuels d’une rare laideur.

On a pointé la médiocrité des effets spéciaux, certes, mais ces affreux plans à la longue focale écrasant l’espace ne rendent jamais justice aux talents d’Alex Thomson, ni aux étranges décors de John Box.

C’est confus, prétentieux et kitsch.

Un ratage d’importance. Le plus terrible de Mann.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Si "Le Solitaire", le premier film de Michael Mann, avait été une réussite critique mettant en avant les partis pris esthétiques d'un réalisateur soucieux jusqu'à l'obstination de maitriser l'ensemble des paramètres de son œuvre, son succès modeste au box-office ne l'a pas fait émerger de la catégorie des outsiders à suivre de près par les studios. C'est la Paramount qui se tourne vers lui pour l'adaptation d'un roman fantastique de Francis Paul Wilson ("Le Donjon") publié en 1981. Cela tombe bien, Michael Mann redoute, après "Le Solitaire", de se laisser enfermer dans le genre du policier urbain. Sans doute le réalisateur souhaite-t-il au fond de lui-même se confronter à ses limites ?

Ce sera une erreur toute à la fois commise par le studio, qui engage un réalisateur novice dans le domaine, et par Michael Mann, dont le perfectionnisme pathologique fera fatalement exploser le budget. Celui-ci passe effectivement de 6 à 10 millions de dollars, obligeant Mann à tourner à l'économie certaines scènes finales, voire à en supprimer d'autres. Comble de malheur, en pleine post-production, le responsable des effets spéciaux optiques Wally Weevers décède sans avoir laissé de consignes écrites pour la suite. Cette lourde perte se ressentira fatalement sur le résultat final.

Pourtant, malgré ses nombreux défauts tenant essentiellement à une histoire rendue très obscure par les coupes imposées par une Paramount excédée et par la tonalité cosmique voulue à toute force par Mann qui instaure un décalage baroque avec le contexte historique de la Seconde Guerre Mondiale, le film demeure sous certains aspects envoûtant. Il faut dire que le travail de John Box, le chef-décorateur, est remarquable, qui reconstitue l'atmosphère des Carpates dans deux carrières d'ardoise abandonnées du Pays de Galles. Dans un cadre grandiose, la forteresse noire massive apporte à l'entame du film très réussie (un détachement nazi est envoyé en Roumanie pour contrôler  l'accès à un col) une sensation cauchemardesque du meilleur effet.

La suite ne sera malheureusement pas à l'avenant, les arabesques new age dont s'est entichées Michael Mann servant mal la métaphore sur la folie hitlérienne symbolisée par le monstre contenu dans cette forteresse bâtie à l'envers pour protéger le monde extérieur de ce qu'elle contient. Pour l'une des rares fois de sa carrière, le réalisateur semble avoir été dépassé par son imaginaire qu'il s'est révélé incapable de transposer à l'écran. Tout devient dès lors un peu fumeux, notamment le personnage interprété par Glenn Scott, sorte de Superman amorphe qui symbolise peut-être l'Oncle Sam débarqué pour sauver le monde de la bête libérée imprudemment par les Nazis.

L'autoritarisme de Mann, sans doute décuplé par les difficultés qui s'accumulent, épuise toute l'équipe, des techniciens aux acteurs, qui semblent désorientés par le manque de ligne directrice claire du scénario. Le pire étant le pauvre Ian McKellen, d'abord vieilli de vingt ans, puis soudainement rajeuni par la bête sans que cela ne choque personne.

Mal né et mal conçu, "La forteresse noire" fait désormais figure de film tout à la fois maudit et culte. En effet, un problème de droit sur la musique composée par le groupe de krautrock allemand Tangerine Dream empêche jusqu'alors toute sortie DVD. Depuis, Michael Mann n'a jamais été tenté de s'aventurer à nouveau sur les rives du cinéma fantastique.

La critique de Pierre

Dans la série "film maudit", "La forteresse noire" s'impose comme une pièce maîtresse.

Réalisé par Michael Mann, dont c'était le deuxième long métrage, ce film narre les mésaventures d'un régiment nazi dans une forteresse d'Europe de l'Est, bien embêté par la présence en ces lieux d'une sorte de golem maléfique dénommé Molassar, qui entreprend de charcuter toute la garnison.

Le casting est amusant :
- Jurgen Prochnow, gentil officier nazi dégoûté par son régime ;
- Gabriel Byrne, méchant officier nazi sadique ;
- Ian Mc Kellen, bien longtemps avant d'être rendu célèbre dans les années 90 par "Richard III", puis "X-men" et "Le seigneur des anneaux", dans le rôle d'un vieux professeur juif censé décrypter de mystérieux hiéroglyphes ;
- l'excelllllent Robert Prosky dans le rôle d'un prêtre ;
- Scott Glenn, dans le rôle d'un mystérieux "gentil" au nom imprononçable (genre glekken quelquechose) qui, affublé de lentilles de contact, joue le rôle du nénémis de Molassar.

Le tout baignant dans une atmosphère lugubre et la musique éthérée de l'excelllllllent groupe electro new-age allemand Tangerine Dream ("Le Solitaire", "Le convoi de la peur", la série "Tonnerre mécanique", "Risky business").

Le problème, c'est que la production a merdé total pendant le tournage (notamment en raison du décès du responsable des effets spéciaux) et que le film a été complètement charcuté par le studio, si bien qu'il y a effectivement des béances scénaristiques assez embarrassantes. D'autant que les effets optiques du film sont complètement ratés et à la limite du ridicule.

Mais il reste de grands moments en apesanteur dans la grande tradition Michael Mann, qui joue à fond la carte du gothique. Et l'ensemble dégage tout de même une certaine poésie et un ton très original.

La forteresse noire - photo de tournage
Photo du tournage de "La Forteresse noire"

La forteresse noire - générique

FilmsFantastiques.com, L'Encyclopédie du Cinéma Fantastique
La chronique de Gilles Penso