titre original | "I Am Josh Polonski's Brother" |
année de production | 2001 |
réalisation | Raphaël Nadjari |
scénario | Raphaël Nadjari |
interprétation | Richard Edson, Jeff Ware, Arnold Barkus, Etta Barkus |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Parcours insolite que celui de ce jeune réalisateur marseillais aux racines israéliennes, qui décide, à moins de trente ans, de prendre la route de New York pour mettre sur pied une trilogie empruntant la voie étroite du cinéma vérité de John Cassavetes et de Morris Engel. Autre parenté cinématographique revendiquée, le cinéma de Jim Jarmusch, à qui Raphael Nadjari emprunte Richard Edson, l'acteur de "Stranger Than Paradise", qui sera présent dans les trois films.
"I Am Josh Polonski's Brother" se passe dans le Lower East Side, où une famille juive ashkénaze, regroupée autour de la mère et de ses trois fils, se débat pour continuer de faire vivre leur magasin de tissus périclitant à petit feu dans une Orchard Street (rue commerçante du quartier) subissant des mutations importantes. Dans un style documentaire (tourné en Super 8 gonflé en 16 mm) qui peut dérouter, Nadjari suit la routine des trois frères qui s'inscrit entre le magasin et l'appartement maternel, où les repas familiaux sont l'occasion de discuter de l'avenir du commerce et de l'éducation des enfants. Seul Josh (Arnold Barkus) est encore célibataire. Sans aucun effet de mise en scène et en saisissant sur le vif le travail des acteurs, le jeune réalisateur décrit parfaitement l'aspect tout à la fois rassurant, mais aussi étouffant de la famille juive, qui ne sera pas sans importance pour éclairer la suite de l'histoire.
Un matin comme tous les autres, Josh est abattu d'une balle en pleine tête devant le magasin. La famille se resserre immédiatement autour de l'essentiel, qui est de préserver la survie des membres restants. Mais Abe (Richard Edson) ne parvient pas comme son frère Ben (Jeff Ware) à surmonter cette perte qu'il ne s'explique pas. Il commence à suivre la trace de son petit frère qui ne vivait pas selon les préceptes inculqués chez les Polonski.
On peut penser alors que Nadjari va rejoindre la route balisée du revenge movie. C'est de toute autre chose dont il va nous parler. D'un frère en quête de sa propre identité qui, à travers la recherche des dernières fréquentations de son cadet, se demande quelle part de lui-même était contenue dans la personnalité de Josh, et inversement. Un jeu trouble se met en place, Abe marchant désormais sur un fil entre ses anciens repères et une voie plus sinueuse ouvrant sur l'expression de ses sens. Là encore, Nadjari, en ne s'encombrant pas d'un scénario narratif trop pesant, cherche à faire ressentir le trouble qui s'empare d'Abe découvrant une autre part de lui-même.
C'est un cinéma exigeant que propose le jeune réalisateur ambitieux, où rien n'est gratuitement donné au spectateur, qui doit faire l'effort de placer son œil dans le regard de Richard Edson pour tenter de comprendre la fêlure qui peut à un moment inattendu faire sortir chacun d'entre nous de la route tracée.
À noter que le nom de Polonski a été donné à Josh en hommage à Abraham Polonsky, scénariste et réalisateur placé dans les années 50 sur la liste noire d'Hollywood.