titre original | "Horns" |
année de production | 2013 |
réalisation | Alexandre Aja |
photographie | Frederick Elmes |
interprétation | Daniel Radcliffe, Juno Temple, Heather Graham, David Morse |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Alexandre Aja est aujourd'hui le réalisateur français qui réussit durablement à Hollywood, même s'il sévit la plupart du temps dans le domaine du remake. Pour son sixième film, adaptation du roman "Horns" ("Cornes" en français) de Joe Hill, le fils de Stephen King, il officie sans Gregory Levasseur, son collaborateur habituel à l'écriture.
Adepte du gore jouissif, Aja entend marier son penchant habituel avec l'univers lynchien de la série "Twin Peaks", auquel certains aspects de son film font indéniablement penser. La pénétration visuelle dans l'univers de l'illustre réalisateur est facilitée par la participation de Frederick Elmes, opérateur de Lynch sur trois de ses films ("Eraserhead", "Blue Velvet" et "Sailor et Lula").
Situer l'intrigue dans un petit village de bûcherons où Merrin Williams (Juno Temple), la fiancée de Ig Perrish (Daniel Radcliffe), vient d'être sauvagement violée puis assassinée, nous place d'emblée dans l'univers de Twin Peaks. Mais la dimension fantastique intervient presque aussitôt pour nous sortir de l'ambiance cotonneuse de la série de référence, grâce aux cornes qui poussent le lendemain du crime sur le crâne d'Ig, assassin tout désigné par la population locale.
Ce parti pris iconoclaste survenu après qu'Ig ait proféré des injures contre une icône de la Vierge Marie, se double d'une capacité à faire avouer à tous ses interlocuteurs leur pires actions ou pensées. Ingénieuse idée qui, outre s'avérer être un formidable outil pour faire progresser à pas de géant l'enquête, rappelle au spectateur que quasiment personne n'est réellement celui qu'il paraît être. Encore un des thèmes favori du cinéma de David Lynch.
On comprend vite que l'affaire se réduira à l'entourage proche d'Ig et de Merrin. Dès lors, Aja, grâce à des flashbacks très poétiques sur le passé du petit groupe dans l'esprit du "Stand by Me" de Rob Reiner, s'évertue à nous donner quelques clefs de compréhension permettant à son film de conserver une certaine structure qu'il avait semblé un moment perdre de vue, trop content des gags parfois un peu lourds que lui avait suggéré cette apparition inespérée de cornes de béliers sur le crâne de son héros.
Le dénouement de cette enquête assez peu ordinaire emprunte, dans le dernier tiers, un chemin plus classique, où Aja ne peut s'empêcher de revenir à son goût immodéré pour le gore. On comprendra donc que le film est sympathique, original, mais aussi un peu bancal, malgré des acteurs tous très convaincants, notamment Daniel Radcliffe, qui semble armé pour réussir la difficile reconversion qui fait obligatoirement suite à son implication au long cours dès l'enfance dans la saga Harry Potter. Quant à Juno Temple, elle est joliment sexy.
Que peut-on souhaiter à Alexandre Aja après ce demi-succès ? Un retour à la collaboration avec Gregory Levasseur ? Ce serait sans doute une heureuse idée pour mieux canaliser le tempérament fougueux du jeune mais désormais expérimenté réalisateur.
La chronique de Nicolas Rieux