« God says to Adam, "Adam, I have something for you, but it's gonna cost you an arm and a leg." Adam thinks for a moment, then decides, "What can you give me for a rib?" »

| titre original | "Things You Can Tell Just by Looking at Her" |
| année de production | 2000 |
| réalisation | Rodrigo García |
| scénario | Rodrigo García |
| photographie | Emmanuel Lubezki |
| interprétation | Glenn Close, Holly Hunter, Calista Flockhart, Cameron Diaz, Kathy Baker, Amy Brenneman, Valeria Golino |
| récompenses | Prix Un Certain Regard au festival international du film de Cannes 2000 |
| NHK Award au festival de Sundance 1999 |
La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains
Les expériences douloureuses de femmes modernes, libres et totalement terrifiées par la solitude et l’abandon.
On ne sait qu’admirer le plus : le magnifique scénario dont la construction savante disparaît au profit de vignettes bouleversantes de vérité et d’émotion, la mise en scène basée sur un découpage d’une précision et d’une inspiration remarquables, la photo diaphane du très grand Emmanuel Lubezki ou ce somptueux ballet d’actrices toutes plus vibrantes et saisissantes les unes des autres : Glenn Close, Holly Hunter, Calista Flockhart, Cameron Diaz, mais aussi Kathy Baker, Amy Brenneman et Valeria Golino.
Fils de l’écrivain Gabriel García Márquez, Rodrigo García (pour son premier film) ne se contente pas simplement de filmer ses actrices : il en capte les plus légers soubresauts. L’effondrement intérieur de Glenn Close, les pleurs d’Holly Hunter lors d’un sublime travelling arrière dans une rue de L.A., le désir qui traverse Kathy Baker face à la porte ouverte de la maison d’en face ou le monologue final de Cameron Diaz. Moins impressionnante (mais tout aussi nuancée et subtile), on notera la magnifique incarnation d’Amy Brenneman en flic sensible et introvertie.
La MGM garda cette œuvre intime plus d’un an dans ses tiroirs. Après Sundance et quelques autres festivals, "Ce que je sais d'elle..." sortira finalement sur les écrans et remportera le prix ‘Un Certain Regard’ à Cannes.
L’un des sommets du cinéma américain des années 2000.
Extrait de la chronique du 18 février 2013 de Bertrand Tavernier
Je reviens sur un des grands films méconnus de la décennie précédente : "Ce que je sais d'elle... d'un simple regard" ("Things You Can Tell Just by Looking at Her"). Écrit et réalisé par Rodrigo Garcia, ancien chef-opérateur et fils de Garcia Marques (Cameron Diaz lit "Cent ans de solitude" en braille). Un des rares, comme le disait Jacques Lourcelles, où la maîtrise de la réalisation était à la hauteur de l’ambition du sujet. 5 destins de femmes, toutes très différentes mais que relient l’obsession, la peur de la solitude et la manière dont elles leur font face, les blessures, les violences qu’elles ont subi : le film consacre une place importante au handicap (Cameron Diaz est aveugle, la mère de Glenn Close impotente et la scène où elle la baigne est unique dans le cinéma américain, Kathy Baker s’éprend d’un nain), à la maladie sans oublier l’avortement. Aucune de ces femmes n’est mariée même si deux d’entre elles vivent en couple. 5 récits qui parfois se répondent, s’interpénètrent, s’éclairent l’un l’autre. Certains personnages apparaissent dans deux épisodes, le Dr Keener (Glenn Close) que l’on retrouve dans "Fantasies about Rebecca", Christine Taylor (Calista Flockhart) liseuse de tarot avec le Dr Keener essaye d’aider son amante atteinte de cancer (Valeria Golino), Rose (Kathy Baker) est le pivot émotionnel du remarquable et original "Someone for Rose" mais on la voit aussi dans "Fantasies about Rebecca". Outre l’audace inhabituelle du propos (les œuvres qui consacrent une si grande place aux femmes ne sont pas légion à Hollywood dans ces années-là), la sophistication narrative non exempte d’humour nous vaut plusieurs bonheurs intenses. La brusque irruption dans un autre récit d’un personnage, qu’on a associé avec d’autres protagonistes, d’autres péripéties, provoque à deux ou trois reprises un vrai choc émotionnel et en même temps un vrai plaisir. Tout comme ce plan mémorable, dans l’épisode très gonflé où Kathy Baker freine brusquement et tend le bras bien au dessus de la tête du passager, le nain dont elle tombée amoureuse. Ce geste provoque un instant de gêne inoubliable, qui brave le politiquement correct. Ou, dans un registre plus dramatique, ce très long plan en travelling arrière sur Holly Hunter qui vient de subir un avortement et se retrouve seule, à la sortie de la clinique. Son copain l’a laissé tomber et elle marche dans la rue. Rodrigo Garcia, visiblement amoureux de ses actrices, laisse tourner la caméra, refuse de couper et nous prend le cœur. Magnifique interprétation chorale (qui regroupe certaines des meilleures actrices du moment) avec une mention particulière à Glenn Close, Cameron Diaz, si économe, si profonde en aveugle qui finit par élucider un crime, mieux que sa sœur officier de police, Kathy Bates (dans un personnage moins bien écrit), Kathy Baker. La MGM garda cette œuvre si personnelle un an dans ses tiroirs avant de la diffuser sur le câble, puis dans quelques salles et au cinéma et enfin, à l’étranger.