titre original | "Buffalo '66" |
année de production | 1998 |
réalisation | Vincent Gallo |
scénario | Vincent Gallo et Alison Bagnall |
photographie | Lance Acord |
musique | Vincent Gallo |
interprétation | Vincent Gallo, Christina Ricci, Ben Gazzara, Mickey Rourke, Rosanna Arquette, Jan-Michael Vincent, Anjelica Huston |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Curieuse carrière que celle de Vincent Gallo, artiste protéiforme (acteur, réalisateur, photographe, peintre et musicien) devenu, en quelques années, le prototype de l’icône underground, dont chaque apparition a suscité la curiosité de l’intelligentsia culturelle jusqu’au mitan des années 2000. "Buffalo 66", son premier long métrage, a sans aucun doute constitué l’acmé de la carrière erratique d’un artiste sans aucun doute exigeant, mais aussi un peu trop sûr d’un talent qui, il faut bien l’avouer, n’a pas toujours été au rendez-vous.
"Buffalo 66", comme la ville de naissance de Vincent Gallo, qui incarne Billy Brown, sortant de prison après cinq ans, pour avoir purgé la peine d’un autre en gage d’un pari de football de 10 000 dollars perdu et non honoré. Ayant caché sa détention à ses parents, en leur faisant croire qu’il s’était marié, puis était parti faire carrière sous d’autres cieux, Billy Brown kidnappe une jeune femme, Layla (Christina Ricci), pour tenter de réussir un retour au bercail qui semble pour lui un châtiment plus terrifiant encore que la chaise électrique.
Utilisant une pellicule inversée datant des années 60, Gallo a fait le choix des contrastes violents pour illustrer au mieux le thème central de son film, essentiellement axé sur les traumatismes subis par un enfant éduqué par des parents formant un couple dysfonctionnel, où les névroses des deux partenaires se nourrissent l’une de l’autre. Billy Brown redoute donc plus que tout des retrouvailles auxquelles il ne parvient pas à renoncer, encore prisonnier d’un schéma relationnel sans issue.
Sur le plateau, Vincent Gallo a visiblement choisi d’installer une tension lui permettant d’entrer dans la peau d’un personnage dont le trauma sera exposé sans filtre. Anjelica Huston, qui joue la mère de Billy Brown, tout comme Christina Ricci, se sont visiblement mal accommodées de la nervosité d’un acteur/réalisateur/scénariste sous tension. Sur l’écran, celle-ci est crûment palpable, provoquant forcément un malaise chez le spectateur qui contemple, atterré, les ravages d’une famille où la communication est rompue. Malgré toutes les précautions maniaques infligées par Billy Brown à la jeune femme kidnappée qui devra lui faciliter un retour improbable, les comportements anciens ressurgissent immédiatement, gommant d’un coup les cinq ans d’absence.
Le constat de Gallo sur la cellule familiale est sans appel. Ce n’est visiblement pas de ce côté qu’il entrevoit l’issue pour Billy Brown. Sans doute la jeune Layla, elle aussi un peu paumée, à la candeur rafraîchissante et communicative, sera un meilleur refuge.
La démonstration est certes brutale et très explicitement exposée, mais l’idée de faire de tous les personnages des caricatures de leurs névroses (notamment les parents interprétés par Anjelica Huston et Ben Gazzara) n’est pas un choix si efficient qu’espéré. Pourquoi infliger une telle punition au spectateur ? Heureusement, la fin est plus heureuse, et le film révèle le talent immense de Christina Ricci, dont il se dit que Vincent Gallo lui aurait reproché de n’être qu’une marionnette entre ses mains de réalisateur. Un comble quand on connaît la teneur du rôle !
Décidément, quand il dirigeait "Buffalo 66", tout ne devait pas tourner très rond dans la tête d’un artiste un peu présomptueux qui, depuis, a vu son étoile pâlir.