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"Dallas Buyers Club"

Dallas Buyers Club - affiche

titre original "Dallas Buyers Club"
année de production 2013
réalisation Jean-Marc Vallée
scénario Craig Borten et Melisa Wallack
photographie Yves Bélanger
interprétation Matthew McConaughey, Jennifer Garner, Jared Leto, Griffin Dunne
récompenses • Oscar du meilleur acteur pour Matthew McConaughey
• Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Jared Leto
• Oscar des meilleurs maquillages et coiffures

Le titre du film

Créé en 1988 par Ron Woodroof (interprété dans le film par Matthew McConaughey), le Dallas Buyers Club est le premier des douze clubs qui permettront aux séropositifs américains de se fournir en médicaments antirétroviraux étrangers en provenance du Mexique ou du Japon. Comme son nom l'indique, ce club était implanté dans la ville de Dallas (Texas).

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

En 1985, Rock Hudson vient de mourir et le sida, qui frappe de plein fouet la communauté homosexuelle masculine, est encore affublé du patronyme de « cancer gay ». Ron Woodroof, cowboy adepte du rodéo et des soirées alcoolisées entre potes qui se terminent à l’occasion en parties fines, est bien loin du problème. C’est d’ailleurs avec un dédain presque craintif qu’il repousse le journal annonçant à sa une, la mort de l’acteur américain. Ce n’est rien de dire que le ciel lui tombe sur la tête quand, suite à un banal accident du travail, on lui annonce qu’il est malade du sida et qu’il ne lui reste plus que trente jours à vivre.

Jean-Marc Vallée, le réalisateur québécois du très réussi "C.R.A.Z.Y." (2005), se penche donc sur le sort de Ron Woodroof, prototype du macho américain qui, défiant toutes les lois de la médecine, survivra sept ans au diagnostic initial et, surtout, entamera une lutte avec les laboratoires, qui profitent du contexte de détresse générale pour imposer, avec la complicité des autorités de contrôle, l’AZT dont l’efficacité est loin d’être démontrée et surtout dont les effets secondaires sont ravageurs.

On connait l’efficacité du cinéma américain pour mettre en valeur la lutte de l’individu face à l’opinion ou aux trusts ("L’Idéaliste", "Erin Brockovich", "Harvey Milk"), et Vallée s’inscrit dans cette veine sans toutefois en faire le thème central de son film. Ce qui a retenu toute l’attention du réalisateur, c’est l’évolution de cet homme, qui mettra à profit ses sept années de sursis pour s’ouvrir aux autres et trouver un chemin qu’il n’aurait certainement pas emprunté s’il n’avait pas été frappé lui-même par la maladie.

Matthew McConaughey, qui avait déjà montré depuis quatre ans ("La Défense Lincoln") sa capacité à être autre chose à l’écran que l’éternel beau gosse aux tablettes de chocolat, était sans doute le candidat idéal pour enfiler les bottes de ce cowboy décharné, qui se voie, par la contrainte, obligé d’aller puiser au fond de lui des ressources jusqu’alors ignorées. Sûr que l’acteur a pu se reconnaître dans le parcours de cet homme. Bonne pioche pour Vallée, qui peut compter sur un acteur mettant littéralement ses tripes sur la table au point que l’on finit par ne plus le reconnaître derrière ses moustaches et son chapeau de cowboy qui, comble d’ironie, lui donnent un vague air de membre des Village People, groupe iconique du mouvement gay des années 70.

L’Oscar est bien sûr venu récompenser la prestation extrême de McConaughey, qui a perdu plus de 20 kilos pour le rôle, mais on aurait grand tort de n’attribuer cette récompense qu’à une performance de plus dans le domaine de l’implication physique d’un acteur. McConaughey, tout en nuance, montre très bien que Woodroof, mû par son instinct de survie, n’a pas qu’une démarche altruiste et que, dans un premier temps, son acceptation de l’altérité à travers Rayon (Jared Leto) le transsexuel n’est que pur calcul. La mutation du personnage s’opérera lentement à travers les épreuves communes traversées, qui l’amèneront à accepter une nature différente de la sienne.

La force de Jean-Marc Vallée et de ses deux acteurs (Jared Leto a lui aussi reçu un Oscar) est de ne jamais tomber dans le pathos, comme le sujet leur en donnait la possibilité et comme beaucoup de films du même type pourtant réussis s’y laissent parfois aller, faute d’une rigueur maîtrisée jusqu’au bout. Un très grand film donc, avec de très grands acteurs, qui nous rappelle la panique qui s’est emparée de nos sociétés occidentales quand cette nouvelle peste noire débarqua dans nos cités.

Dallas Buyers Club - générique