titre original | "Zabriskie Point" |
année de production | 1970 |
réalisation | Michelangelo Antonioni |
scénario | Michelangelo Antonioni, Franco Rossetti, Sam Shepard, Tonino Guerra et Clare Peploe |
montage | Franco Arcalli (et Michelangelo Antonioni, non crédité) |
photographie | Alfio Contini |
musique | Jerry Garcia et Pink Floyd |
production | Carlo Ponti |
interprétation | Mark Frechette, Daria Halprin, Rod Taylor, Harrison Ford (non crédité), Philip Baker Hall (non crédité) |
Les errements d'Icare (la critique de Sébastien Miguel)
Malmené au moment de son tournage, massacré par la MGM et rejeté par la presse américaine, "Zabriskie Point" reste un jalon essentiel du Nouvel Hollywood.
Des milliers de mots ont déjà été écrits sur Michelangelo Antonioni (1912-2007). Des dizaines de brillants exégètes ont (tenté) de décrypter son œuvre, infiniment secrète, intense et d'une poésie charnelle singulière. On notera les remarques de Thierry Jousse sur ce 'premier' film américain : « Américain, "Zabriskie Point" l'est d'abord parce qu'il capte, mieux que n'importe quel autre film, les flux d'époque, psychédéliques et politiques, musicaux et sexuels. […] On perçoit dans "Zabriskie Point" la volonté extraordinaire d'un homme âgé de près de soixante ans de se mettre absolument au diapason de cette jeunesse. » (1)
Aidé de ses scénaristes Franco Rossetti, Tonino Guerra, Clare Peploe et Sam Shepard, Antonioni livre sa version d'Icare. La fuite loin d'un monde chaotique (l'A.G. estudiantine avec zooms brutaux, faux raccords, recadrages intempestifs…), l'angoisse d'être capturé par Minos (la police à la poursuite du jeune adonis) et la délivrance par les airs (l'avion bariolé de couleurs et d'inscriptions hippies emmenant le jeune homme vers de nouveaux cieux).
L'arrivée dans la vallée de la mort résonne comme une délivrance, mais illustre progressivement un paradis éphémère, déjà perdu. La splendide Daria Halprin devenant, sous la camera du maître italien, une sorte de vestale hippie intemporelle, parfaite icône de cette jeunesse idéaliste et représentation de beauté et de pureté.
Ce monde lunaire où les corps des jeunes gens s'accouplent avec passion constitue l'envers d'une Amérique plus noire, réactionnaire et délétère. Le dégoût d'Antonioni envers l'Amérique est manifeste : laideur de la société de consommation, capitalisme destructeur, violence. (2)
Les visions de l'auteur n'échappent pas à certains topos mais recèlent de subtiles et foudroyantes beautés. Les corps nus entrelacés dans la poussière, la vieille Buick parcourant le désert, l'apocalypse finale (inoubliable morceau de cinéma) soulignant avec force l'imminence d'une révolution brutale.
Pourtant, vivants ou morts, les personnages resteront seuls face à l'immensité, la fin ouverte et onirique laissant le spectateur libre de choisir entre manifeste politique et rêverie amère.
Naïf, d'une grande beauté formelle et d'un pessimisme profond.
(1) "Antonioni, l'homme invisible", Thierry Jousse, Cahiers du Cinéma, "Bergman / Antonioni : deux grands modernes", hors série 2007
(2) Le dernier plan du film, coupé par le dirigeant de la MGM, montrait un avion tirant une banderole avec comme inscription : Fuck you America!
Le titre du film
Zabriskie Point est une partie de l'Amargosa Range située dans l'est de la Death Valley dans le Parc national de la Vallée de la mort en Californie, aux États-Unis. Elle est notable pour son paysage érodé. L'emplacement a été nommé d'après Christian Brevoort Zabriskie, directeur général de la Pacific Coast Borax Company au début du XXe siècle.