« You ever been someplace you couldn’t leave, and you couldn’t stay, both at the same time? »
titre original | "True Detective" |
année de production | 2019 |
réalisation | Daniel Sackheim, Nic Pizzolatto, Jeremy Saulnier |
scénario | Nic Pizzolatto |
photographie | Nigel Bluck, Germain McMicking |
musique | T Bone Burnett, Keefus Ciancia |
interprétation | Mahershala Ali, Stephen Dorff |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Après une deuxième saison qui avait déçu, Nic Pizzolatto a décidé d’en revenir aux préceptes qui avaient permis à Matthew McConaughey et Woody Harrelson de s’inscrire dans les plus marquants duos de flics du petit et du grand écran réunis. Le plus important étant sans aucun doute le déroulement de l’enquête sur le long cours, avec une reprise de celle-ci plusieurs décennies après son abandon, faute de succès. Ici, ce seront trois étapes qui seront déclinées, s’entremêlant tout au long du récit.
Dans une petite ville d’Arkansas, deux enfants disparaissent mystérieusement alors qu’ils se dirigeaient vers un parc après avoir obtenu l’autorisation de leur père (Scoot McNairy). L’affaire remue la petite communauté d’autant plus que nombreux sont ceux qui ont vu les deux enfants sur leur trajet. Deux flics, équipiers de longue date, Wayne Hays (Mahershala Ali) et Roland West (Stephen Dorff), sont en charge de l’enquête pour la police d’État de l’Arkansas. Les indices sont maigres, et le scénario montre clairement deux flics qui pataugent, ne pouvant s’accrocher à une piste solide.
L’enquête initiale se déroule dans les années 1980, sa reprise, après un fait nouveau, démarre dix ans plus tard et alors que l’inspecteur Hays est à la retraite avec un début d’Alzheimer qui le mine, il se retrouve face à une jeune productrice de télévision croyant réveiller ce « cold case ». L’articulation entre les trois périodes qui se nourrissent l’une de l’autre est particulièrement fluide, ne demandant que peu d’efforts au spectateur pour s’y retrouver.
L’enquête assez filandreuse plonge au cœur d’une Amérique profonde durement secouée par une crise qui n’en finit pas de paupériser les plus fragiles. Le tout sur fond de tension raciale, qui fragilise par instant le duo pourtant solide constitué par les deux enquêteurs dont la vie privée se trouve profondément bouleversée par l’impuissance qu’ils éprouvent face à une disparition dont ils ont acquis la conviction qu’elle cache des implications touchant des personnalités influentes.
Le charme de cette troisième saison réside dans la psychologie des personnages, finement ciselée au gré des événements de l’enquête, et dans leur réaction face à la frustration. Mahershala Ali et Stephen Dorff, parfaitement complémentaires, sont assez loin du duo au parfum humoristique formé par Danny Glover et Mel Gibson dans la saga "Arme fatale". Changement d’époque oblige, l’atmosphère est beaucoup plus sombre et chargée de remises en question qu’à l’époque où Richard Donner dirigeait le duo de choc d’une saga qui se prolongea sur quatre épisodes.
La question du racisme est bien sûr posée, mais jamais de manière partisane et manichéenne, Nic Pizzolatto montrant que les choses ne sont pas aussi simples que l’on voudrait désormais les présenter à travers le prisme parfois déformant de la repentance. Très inclusive dans son traitement, cette troisième saison a le seul tort de vouloir se solder par un retournement de situation qui se veut spectaculaire, mais finalement très peu crédible, obligeant à un huitième épisode assez mièvre qui, pour le coup, détruit une partie des efforts de crédibilité développés jusque-là.
On appréciera l’évolution de carrière de Stephen Dorff qui, après des débuts en trombe dans les années 1990 où sa gueule d’ange faisait des ravages, était passé par un sérieux trou d’air tout au long des années 2000. Il nous revient légèrement cabossé, mais sacrément convaincant. Quant à Mahershala Ali, sa posture marmoréenne est quelquefois pesante, mais il parvient tout de même à s’imposer dans un rôle difficile, notamment dans sa partie liée au grand âge du personnage.
Une très bonne saison certes, mais où Nic Pizzolatto a sans doute un peu pêché par excès d’orgueil.