titre original | "That Cold Day in the Park" |
année de production | 1969 |
réalisation | Robert Altman |
scénario | Gillian Freeman, d'après le roman éponyme de Peter Miles |
photographie | László Kovács |
musique | Johnny Mandel |
production | Donald Factor et Leon Mirell |
interprétation | Sandy Dennis, Michael Burns, Luana Anders |
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
Un Altman d'avant "MASH". Du théâtre filmé avec assez peu de spécificité cinématographique, à la manière de celui qui permettra au réalisateur de subsister dans les années 80. Mais du bon théâtre, porté par une lourde ambiance de sexualité réprimée poussée à la folie. Inédit en France.
Le premier volet d'un triptyque
"That Cold Day in the Park" constitue le premier volet d'une trilogie, qui sera poursuivie avec "Images", puis "3 femmes", abordant notamment les thèmes de l'obsession et de la frustration sexuelle.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
L’avènement de Robert Altman en Europe remonte au choc que fut "M.A.S.H." en 1970, Palme d’or à Cannes. Altman avait passé la quarantaine quand il réalisa son pamphlet antimilitariste porté par son duo inoubliable de médecins, sauce hippie, constitué de Donald Sutherland et d'Elliott Gould. Il avait auparavant acquis une sérieuse expérience de réalisateur de télévision et, surtout, il avait mis en scène un petit joyau longtemps oublié pourtant présenté à Cannes en 1969 hors compétition, "That Cold Day in the Park", qui révèle d’emblée l’affirmation d’un point de vue et d’une tonalité, annonciateurs du pan plus introspectif et sombre de l’œuvre d’Altman qui s’exprimera dans des films comme "3 femmes" (1977) ou "Reviens Jimmy Dean, reviens" (1982).
Vancouver, Frances, jeune trentenaire, semble comme un vieux chandail rangé dans une armoire remplie de comprimés de naphtaline, après avoir pris la suite de sa mère défunte dans l’appartement familial où elle continue de recevoir un aréopage de vieilles badernes. La première scène du film, magistralement menée par Altman, introduit immédiatement le malaise psychologique qui étreint Frances et qui sera tout le thème du film. Par la fenêtre, alors qu’elle se cherche un peu d’air, Frances observe un jeune homme semblant abandonné sur un banc alors qu’une pluie battante inonde le parc. C’est le début d’une relation trouble entre deux êtres frappés de claustration. En s’ouvrant à ce jeune homme mystérieux qui, bizarrement, se refuse à parler, Frances espère sortir de son enfermement et entamer le cycle jamais commencé des préoccupations de son adolescence volée puis envolée, au premier rang desquelles la sexualité.
Comme souvent dans ce type de situation, le hasard fait mal les choses en mettant en présence des individus aux souffrances similaires. L’absence de communication du jeune homme et sa relative docilité amènent Frances à échafauder une idylle qu’elle seule entrevoit. S’ensuit une période d’exhalation innocente et touchante, qui conduira la jeune femme jusqu’au planning familial de son quartier pour se faire poser un stérilet, signe affirmé à l’époque d'un début de libération féminine. La grande force d’Altman est de savoir montrer subtilement que l’équilibre émotionnel très instable de Frances peut l’amener à basculer d’un côté ou de l’autre de la frontière de la raison suivant les réactions imprévisibles de l’étrange garçon. Elle n'est ainsi plus vraiment maîtresse de son destin. Un garçon qui, de son côté, semble empêtré dans une relation de dépendance à sa sœur aînée où l’inceste certainement joue un rôle castrateur.
"That Cold Day in the Park" distille avec délectation une atmosphère étouffante parfois proche de celle d’un thriller claustrophobique comme "Rosemary’s Baby" qui finit par nous glacer le sang. Les deux acteurs principaux, Sandy Dennis et Michael Burns, sont tous les deux très convaincants sous la direction d'un metteur en scène réputé pour être un expert dans ce domaine particulier de son travail. Sandy Dennis surtout, actrice rare et prématurément disparue, qui donne à Frances toute l'ambiguïté nécessaire pour déclencher alternativement la compassion et le doute chez le spectateur.
Un grand film que l'on peut placer à côté de "Deep End" de Jerzy Skolimowski, autre film atypique, sorti la même année en Angleterre, qui parle aussi de deux jeunes adultes en décalage d’âge (dans les deux films, la jeune femme est l’aînée) dont l'incommunicabilité conduit leur relation dans une impasse tragique. À voir d'urgence.
Les films de Robert Altman © Faboolis