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"Ragtime"

Good Time ... Bad Time ... Ragtime

Ragtime - affiche

titre original "Ragtime"
année de production 1981
réalisation Miloš Forman
scénario Michael Weller, d'après le roman éponyme d'Edgar L. Doctorow (1975)
photographie Miroslav Ondrícek
musique Randy Newman
production Dino De Laurentiis
interprétation James Cagney, Brad Dourif, Moses Gunn, Elizabeth McGovern, Mary Steenburgen, Jeff Daniels, Samuel L. Jackson, Bessie Love

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Fresque historique qui se termine à peu près là où "Reds" commence. Miloš Forman renonce à la construction kaléidoscopique du roman de Doctorow pour un traitement linéaire beaucoup plus traditionnel, ne retenant qu'un très petit nombre des multiples intrigues enchevêtrées du livre. Inévitablement inégal, le film est toutefois sauvé du disparate et de l'épisodique par une réelle unité thématique.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

C’est Dino De Laurentiis lui-même qui a eu l’idée d’adapter "Ragtime", le livre de E.L Doctorow, énorme succès de librairie en 1975. Le livre est une transposition du court roman "Michael Kohlhaas" de l’écrivain allemand Heinrich von Kleist (1777-1811) narrant le combat d’un marchand de chevaux victime d’une injustice qui tente d’obtenir réparation par tous les moyens. Selon sa règle habituelle d’alterner films commerciaux et projets ambitieux, De Laurentiis pense d’abord faire appel à Robert Altman pour porter "Ragtime" à l’écran. Les deux hommes ne s’entendant pas, le producteur fait appel à Milos Forman, qui vient d’obtenir un succès d’estime un peu décevant avec "Hair".

Le ragtime est à l’origine une musique apparue à la fin du XIXe siècle (1897) et qui, jusqu’en 1918, fera office de précurseur du jazz. Le morceau le plus célèbre de ce mouvement éphémère essentiellement joué au piano est "Mapple Leaf Rag" de Scott Joplin. L’intrigue située exactement à cette période et le personnage central étant un pianiste noir (Edward E. Rollins Jr.) se rebellant par les armes après qu’il n’a pu obtenir réparation de la souillure de sa Ford Model T, on comprend mieux le titre du film comme du roman. L’intrigue imbrique l’un dans l’autre deux faits divers significatifs du climat sociétal de l’époque aux États-Unis à propos de la faculté des dominants à se sortir sans dommage de tous les obstacles, y compris d’un meurtre sordide, et de l’impossibilité des noirs à faire valoir leurs droits quand ils sont victimes d’une injustice flagrante.

Une dénonciation du racisme et de la domination de l’homme blanc qui passerait sans encombre la censure des comités auto-proclamés de bien-pensance actuels. Mais Milos Forman, qui a bien connu les affres de la censure et de la vindicte politique quand il œuvrait encore en Tchécoslovaquie au moment du printemps de Prague (1968), apporte au traitement de son histoire l’indispensable nuance qui ferait sans doute défaut aujourd’hui si l’adaptation du roman de E.L Doctorow était à nouveau d’actualité. Il trouve cette nuance en faisant le joint entre les deux intrigues grâce à une famille de la haute-bourgeoisie résidant à New Rochelle (banlieue nord de New York) qui apporte la démonstration avec le couple humaniste interprété par James Olson et Mary Steenburger que si la société américaine était bien sûr raciste, l’essentialisation n’est jamais probante. Le pianiste noir qui finit par prendre les armes, dont on peut comprendre le ressentiment légitime, ne semble mu que par sa propre soif de vengeance, faisant peu de cas du sort de son jeune fils généreusement recueilli par la famille citée plus haut.

Les questions posées par Milos Forman dépassent donc le seul problème du racisme, les pompiers ayant dégradé la voiture du pianiste avec à leur tête un rustre interprété avec force par Kenneth McMillan, paraissant plus bêtes que réellement méchants.

L'ensemble rythmé par la musique de Randy Newman est très finement orchestré par un réalisateur au mieux de sa forme, qui démontre en sus sa capacité à proposer une reconstitution historique très fluide et soignée sur plus de deux heures trente. L’intervention de James Cagney faisant sa première apparition devant une caméra depuis vingt ans dans le rôle du préfet de police goguenard qui doit stopper l’insurrection du petit groupe armé, retranché dans la bibliothèque municipale, est succulente. Les cinéphiles apprécieront aussi l’apparition de Bessie Love, ex-star du muet un peu oubliée, qui fut pourtant la sœur d’armes de Marie Pickford et des sœurs Gish auprès du grand D.W Griffith.

Milos Forman disparu en 2018, qui a œuvré pendant quarante ans dans deux cinémas très différents, ne laisse jamais le spectateur à distance, s’étant emparé avec force et humanité de tous les sujets qui lui tenaient à cœur.

Affiche est-allemande de "Ragtime" (1987)

Le générique de "Ragtime" conçu par R/Greenberg Associates

Ragtime - générique