titre original | "Plenty" |
année de production | 1985 |
réalisation | Fred Schepisi |
interprétation | Meryl Streep, Sam Neill, Charles Dance, John Gielgud, Hugh Laurie, Sting, Ian McKellen |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"Plenty" de Fred Schepisi recèle une des prestations les plus marquantes de Meryl Streep. Réalisé la même année qu'"Out of Africa", le film a malheureusement été éclipsé par la déferlante de romantisme béat provoquée par la sortie du blockbuster de Sydney Pollack. Il est sûr que l'héroïne de "Plenty", femme fantasque, féministe assumée et assoiffée de vie jusqu'à flirter avec les limites de la raison, était beaucoup moins glamour que l'image sur papier glacé de la grande bourgeoise danoise (Karen Blixen) venue se perdre après un chagrin d'amour dans la savane africaine pour y cultiver des caféiers et succomber au charme suave du bel aviateur joué par Robert Redford. Le film passé inaperçu est très rarement cité quand est évoquée la filmographie de l'actrice aux 3 Oscars et aux 16 nominations (le record actuel).
Tiré d'une pièce de l'écrivain anglais David Hare qui rédige lui-même le scénario, "Plenty" suit le parcours de Susan Traherne, jeune femme de bonne famille dont la perception de la vie sera profondément modifiée après son expérience d'agent de liaison entre les parachutistes anglais et la résistance française dans la région de Poitiers. Le besoin d'accomplissement ne la quittera plus, formulé par Susan selon l'adage "Move on!" (Allons de l'avant !).
La vie qu'elle se choisit auprès d'un consul de Sa Majesté (Charles Dance) rencontré après le débarquement des troupes alliées ne sera pas le terrain propice à cette soif de renouveau et d'aventures. Le monde feutré de la diplomatie s'accommode en effet très mal des foucades déroutantes de Susan devenue Mrs. Brook. Son comportement erratique est désormais synonyme de coups d'éclat dévastateurs, suivis de longues périodes d'apathie.
Le film trouve son rythme dans les ruptures que provoque Susan, qui l'amènent progressivement à la marginalité. De folie, il n'est guère question, mais plutôt d'une soif de vie impossible à contenir qui, tout en provoquant des dégâts collatéraux, finit par tourner à vide. Un destin curieux que Fred Schepisi conclut par un retour peut-être salutaire dans le village de France où tout avait commencé dans les bras d'un parachutiste (Sam Neill) retrouvé un court instant.
Souvent touchant grâce à la performance toute en nuances de Meryl Streep qui ne charge pas trop ses effets, le film nous enseigne que le bonheur n'est possible qu'à la condition d'être en accord avec soi-même. Fred Schepisi, qui retrouvera Meryl Streep trois ans plus tard pour "Un cri dans la nuit", a su mettre à profit un casting anglais hors pair aux côtés de Meryl Streep.
Pour beaucoup, il s'agira d'une découverte heureuse que ce "Plenty" parfois un peu scolaire, dont le titre est parfaitement adapté au personnage principal.