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"Network - Main basse sur la TV"

Network - affiche

titre original "Network"
année de production 1976
réalisation Sidney Lumet
scénario Paddy Chayefsky
photographie Owen Roizman
costumes Theoni V. Aldredge
interprétation Peter Finch, Faye Dunaway, William Holden, Robert Duvall, Ned Beatty, Beatrice Straight
récompenses • Oscar du meilleur scénario original
• Oscar du meilleur acteur pour Peter Finch
• Oscar de la meilleure actrice pour Faye Dunaway
• Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Beatrice Straight

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Quand "Network" sortit en France en 1977, le spectateur découvrit avec stupéfaction les coulisses de la télévision américaine, terrifiante Gorgone inféodée à l'indice d'écoute, aux annonceurs publicitaires, se vautrant dans la démagogie la plus éhontée, toujours en quête de sensationnel, jetant à pleines pelletées de la poudre aux yeux. En sortant de la salle, le même spectateur, tout remué par ce constant percutant, pouvait se consoler en se disant qu'un océan le séparait de ce monstre sans âme qu'était l'étrange lucarne américaine. Revu une décennie plus tard, le film n'a rien perdu de son impact, d'autant moins que notre télévision nationale s'est américanisée : dictature de l'audimat, cascades de spots publicitaires, chaînes privées, jeux stupides, strass et paillettes...

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

Sidney Lumet a cinquante-deux ans et plus de vingt films à son actif quand il entame, en 1976, la réalisation de "Network". Réalisateur reconnu pour ses adaptations théâtrales au début de sa carrière, il a progressivement orienté sa filmographie vers des films à forts enjeux sociaux où il dénonce les dérives qui minent les grandes institutions de son pays. Ses cibles de prédilection sont la justice et la police.

Avec "Network", une de ses charges les plus violentes, il s'en prend au pouvoir exorbitant sur les consciences pris par la télévision depuis sa grande expansion dans les années 50. "Network", avec son affrontement de deux générations autour de la déontologie de l'information, est symptomatique de la montée en puissance des statistiques d'audience devenues le seul baromètre des jeunes loups (Robert Duvall, Faye Dunaway) bien décidés à prendre la place des anciens (Peter Finch, William Holden) encore accrochés à la valeur éducative de ce jeune média qu'ils assimilent, à tort, à un dérivé de la presse d'opinion.

Diana Christensen (Faye Dunaway), sorte de junkie de l'audimat prenant ses orgasmes en énumérant les taux d'audience, incapable de mener une vie sentimentale engagée (cf. sa relation avortée avec William Holden), est présentée par Lumet comme le symbole de cette dérive presque barbare, qui pousse une directrice des programmes sans scrupules à user de toutes les bassesses pour asservir les masses silencieuses au flot de programmes diffusé par le réseau qui l'emploie. Les téléspectateurs se sont lassés des séries et des jeux lénifiants qu'on leur servait depuis deux décennies, ils sont déçus par la société de consommation, qu'à cela ne tienne ! Leur chaîne favorite leur servira du trash en direct, avec du sang et des larmes tous chauds à l'antenne !

Quand Howard Beale (Peter Finch), vieux présentateur de journal jeté au placard, se rebelle en menaçant de se suicider à l'antenne, le débat sur la préservation de l'intégrité mentale du bonhomme devenu saltimbanque, gladiateur au milieu de l'arène ou, pire, monstre de foire, est vite tranché par les résultats d'audience repartis en flèche vers les sommets. Le filon sera cyniquement épuisé jusqu'à mort d'homme.

La charge au vitriol menée de main de maître par un Lumet enfiévré est, comme toujours chez le réalisateur, servie par des acteurs à leur meilleur. Peter Finch, pantin désarticulé exposant ses tripes à un public en symbiose avec son désespoir, récoltera un Oscar incontesté. William Holden, dont la fin de carrière est tout bonnement magique ("Deux hommes dans l'Ouest", "Breezy", "Fedora"), est confondant d'humanité et de désenchantement. Robert Duvall, sec comme un coup de trique, est fascinant de séduction. Faye Dunaway, en virago proche de l'hystérie, a elle aussi récolté un Oscar pour une prestation qui assoit définitivement son statut de grande actrice. Enfin, Ned Beatty, lors d'une scène hypnotique, confirme son rang de second rôle incontournable de cette décennie flamboyante du nouvel Hollywood.

Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon ont fait la fine bouche à propos de "Network" dans leur ouvrage de référence "50 ans de cinéma américain", lui reprochant son aspect un peu trop théâtral et emphatique. Un jugement que, magnanimement, Bertrand Tavernier reconnaîtra très sévère lors de la rétrospective consacrée à Lumet en 2007 par la Cinémathèque Française. L'appauvrissement intellectuel du panorama télévisuel français a certainement convaincu Tavernier du caractère visionnaire de Lumet, dont chacun des films porte en lui un peu du devenir de nos sociétés exagérément régies par le profit. On peut enfin se demander si un tel film aurait pu voir le jour en France et ceci, à n'importe quelle époque.

On attend impatiemment une édition Blu-ray digne de ce nom de ce film phare des années 70.

Affiche française de "Network - Main basse sur la TV" © Jouineau Bourduge
Affiche belge de "Network - Main basse sur la TV"

Network - générique