Le premier film américain du britannique Lindsay Anderson
titre original | "The Whales of August" |
année de production | 1987 |
réalisation | Lindsay Anderson |
scénario | David Berry, d'après sa propre pièce |
photographie | Mike Fash |
musique | Alan Price |
interprétation | Bette Davis, Lillian Gish, Vincent Price, Ann Sothern, Mary Steenburgen |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Les baleines du mois d'août du titre, ce sont celles dont Libby (Bette Davis) et Sarah Louise (Lilian Gish) observent le passage, à la fin de l'été, du balcon de leur maison familiale située sur une île du Maine (Cliff Island), et ce, depuis leur enfance. Cette tradition qui rythme les saisons s'est perpétrée à l'âge adulte malgré les vies dispersées de chacune. Aujourd'hui au seuil de leur vie, les deux sœurs, qui n'ont désormais plus grand chose en commun, continuent chaque été de se rendre sur place pour ce rendez-vous immuable que les baleines ont depuis un moment déserté.
Sarah Louise, autrefois infirmière, continue à voir la vie comme l'accomplissement d'un partage harmonieux avec les autres, alors que Libby, devenue aveugle, ne se console pas de sa jeunesse et de sa beauté enfuies. Les journées s'écoulent au rythme des petits affrontements entre deux tempéraments qui ont appris à cohabiter à longueur d'année, chacune connaissant parfaitement la partition de l'autre. Une veuve excentrique (Ann Sothern) et un gentleman russe (Vincent Price) en quête d'un foyer viennent de temps à autre rompre la routine.
Ce film marque la fin de parcours pour beaucoup de ses protagonistes et le dernier ouvrage pour Lindsay Anderson, un des apôtres du free cinéma anglais ("If", Palme d'or au festival de Cannes en 1969), qui conclut, de manière poétique et nostalgique, une carrière longue de vingt-quatre ans, mais peu prolifique (huit films).
Cette adaptation de la pièce éponyme de David Berry nous interroge sur l'attitude de chacun face à l'arrivée du grand âge quand s'installe progressivement la mort dans des artères durcies par les saisons accumulées. Les regrets et l'amertume peuvent-ils encore servir de béquilles comme pour Libby, ou alors vaut-il mieux tenter de toujours croquer la vie comme Sarah Louise qui s'adonne joyeusement à ses petites routines, ainsi que son voisin russe qui continue à délivrer un charme de courtoisie ? Lindsay Anderson n'apporte bien sûr pas de réponse, mais nous indique tout de même que ce choix est fortement conditionné par l'antériorité du parcours.
Si Lilian Gish, alors âgée de 93 ans, a été immédiatement sollicitée par la production, le reste du casting a été plus délicat à monter, les états de santé de Barbara Stanwyck, Katherine Hepburn, Fred Astaire ou Paul Henreid provoquant bien malgré eux leur désistement. C'est donc Bette Davis, pourtant très diminuée, qui s'est collée à ce rôle de sœur acariâtre dont les contours lui sont fort bien connus. Comme souvent avec la géniale actrice, le tournage n'a pas été de tout repos, Miss Davis prenant un soin méticuleux à compliquer la tâche de Lilian Gish dont l'audition était très défaillante.
Il ne se passe certes pas grand chose dans ces "Baleines du mois d'août", mais l'infinie tendresse avec laquelle Lindsay Anderson filme ces grandes stars de l'âge d'or d'Hollywood (Bette Davis et Vincent Price ont joué ensemble dans "La Vie privée d'Elizabeth d'Angleterre " de Michael Curtiz en 1939 !) nous invite forcément à l'empathie.