Dead on the bayou
titre original | "In the Electric Mist" |
année de production | 2009 |
réalisation | Bertrand Tavernier |
scénario | Jerzy Kromolowski et Mary Olson-Kromolowski, d'après le roman "In the Electric Mist with Confederate Dead" de James Lee Burke |
photographie | Bruno de Keyzer |
musique | Marco Beltrami |
interprétation | Tommy Lee Jones, John Goodman, Peter Sarsgaard, Ned Beatty, Kelly Macdonald, Mary Steenburgen, John Sayles, Buddy Guy, Levon Helm |
récompense | Grand Prix du festival international du film policier de Beaune 2009 |
La critique de Sébastien Miguel pour Plans Américains
« Jouer sur un mélange d’ombre et de lumière »
Entretien avec Bertrand Tavernier, Positif no 578 d'avril 2009
Sous l’apparence d’un thriller standard (une star marmoréenne, un décor exotique, la traque d’un serial killer…), Bertrand Tavernier multiplie les genres et les digressions jusqu’au vertige.
Rien ne laissait supposer que la première entreprise entièrement américaine de l’auteur des légendaires "50 ans de cinéma américain" (co-écrit avec Jean Pierre Coursodon) et "Amis américains" aboutirait à un produit aussi inclassable.
On retrouve sans peine ce qui faisait la qualité des précédents films de Tavernier : la brillante reproduction d’une atmosphère (comme "Autour de minuit"), une photo splendide de Bruno de Keyzer, une utilisation remarquable de la musique (Marco Beltrami). Dialogues très travaillés, interprétation parfaite (Tommy Lee Jones, Goodman, Steenburgen, MacDonald, Ned Beatty…). Le scénario de Jerzy Kromolowski et Mary Olson-Kromolowski (auteurs de "The Pledge") est d’une complexité et d’une profondeur rares. Pourtant, pourtant…
La multiplication des genres (portrait psychologique, film noir, film fantastique…), les longueurs et l’ennui qui se dégagent de l’œuvre font de cette adaptation de James Lee Burke une déception.
Dans "50 ans", Tavernier persiflait sur la fin de "Shining", à savoir, le cliché du plan final remettant en cause ce qui a précédé. Kubrick, en introduisant la photo de Torrance dans les années 20, bousculait le cliché et coinçait le spectateur dans une impasse. Sur la sublime aria du Dixit Dominus d’Haendel, Tavernier use pourtant du même stratagème !!! Procédé apparaissant encore plus gratuit chez Tavernier que chez Kubrick…
En conflit avec son producteur américain, Tavernier vit son film sortir en deux versions : l’une américaine sortie directement en vidéo et l’autre remontée par Tavernier pour la distribution en France. La comparaison des deux "Brumes" reste passionnante pour le cinéphile.
Lors de sa sortie en France (deux ans après son tournage), "Dans la brume électrique" ravit les critiques françaises et fut - sans grande surprise - un échec commercial.
Louisiane et musique cajun
Extraits d'un entretien de Franck Garbarz avec Bertrand Tavernier
Vous avez fait appel au compositeur Marco Beltrami.
Dès le début, j'ai voulu travailler avec lui parce qu'il m'avait impressionné par sa partition pour "Trois enterrements" et "3h10 pour Yuma". Il était ravi parce qu'en général, à Hollywood, les musiciens sont engagés sur un film quand le tournage est terminé. Il a même fait un voyage en Louisiane pour s'imprégner de la musique cajun et consulter des musicologues. Du coup, on a défini très en amont l'utilisation des percussions ou de l'accordéon comme un instrument mélodique et aussi rythmique, en jouant sur le souffle, ou encore des différents thèmes musicaux. En plus, il m'a donné toute latitude au mixage en enregistrant tous les instruments sur une piste séparée.
Vous avez aussi utilisé des musiques préexistantes.
Ce sont des musiques que j'ai choisies, comme les deux titres de Clifton Chenier, “I'm a Hog For You” et “I’m Coming Home” et celui de Nathan et ses Zydeco cha chas, “Slow Horses Fast Women”. Ou encore les deux chansons de Michael Doucet, “Donnez-moi Pauline” et “J'ai passé devant ta porte”, que j'ai découvertes grâce à l'équipe cajun du film et dont je suis tombé amoureux. Et Beltrami a composé une très belle chanson cajun. Et j’ai aussi confié le rôle de Hogman Patin à Buddy Guy, une des plus grands bluesmen. C’est Tommy Lee, qui le connaît bien, qui m'a fait cette proposition, tout comme Levon Helm, l’ancien batteur de The Band, pour le rôle du général. Deux idées formidables. Pour la fin du film, j'ai utilisé une aria de Haendel parce que je voulais qu'on s'éloigne de l'atmosphère musicale cajun à laquelle on s'est habitué : il me fallait alors une musique religieuse qui s'accorde aux mouvements de grue et à la brume dans le cimetière.
James Lee Burke et le cinéma américain
Le personnage de Dave Robicheaux, interprété par Tommy Lee Jones, apparaissait déjà dans "Vengeance froide" ("Heaven's Prisoners", Phil Joanou, 1996), autre film adapté d’un roman de l'écrivain américain de polars James Lee Burke (1936-). Il y était interprété par Alec Baldwin ; renvoyé des rangs de la police à cause de son alcoolisme, il sauvait Alafair (le nom de la propre fille de Burke) de la noyade, personnage que l'on retrouve également dans le film de Bertrand Tavernier. "Dans la brume électrique avec les morts confédérés" a été écrit en 1993 et constitue le 6e ouvrage consacré à Dave Robicheaux.
La chronique de Gilles Penso