Bluette pour lecteurs de Lui : un érotisme finalement plus naïf que pervers...
titre original | "Nine 1/2 Weeks" |
année de production | 1986 |
réalisation | Adrian Lyne |
musique | Jack Nitzsche |
interprétation | Kim Basinger, Mickey Rourke |
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Comme ses collègues Hugh Hudson, Alan Parker, Tony et Ridley Scott, Adrian Lyne fait partie des réalisateurs de publicité anglais qui ont émigré avec succès vers la Cité des Anges pour y réaliser des films à l'esthétique ultra soignée qui influenceront fortement la production hollywoodienne des années 80. Une influence qui leur sera souvent reprochée par la critique comme étant un amplificateur de la toujours dommageable prédominance de la forme sur le fond. Tropisme déjà très présent dans l'esprit des producteurs toujours ravis de ne jamais donner trop à réfléchir aux spectateurs.
Adrian Lyne, avec ses choix scénaristiques souvent accessoires, est sans aucun doute celui qui a concentré sur sa personne le plus d'injures et de sarcasmes. "Flashdance" sorti en 1983 présentait de manière complètement fantasmée et souvent mièvre l'ascension jusqu'à l'admission dans une célèbre troupe de danseurs, d'Alex (Jennifer Beals), une jeune soudeuse de Pittsburgh arrondissant ses fins de mois dans un cabaret enfumé. Le tout, rythmé par la musique enfiévrée de Giorgio Moroder, pape du disco et ex-mentor de Donna Summer, fit un triomphe au box-office malgré une critique déchaînée. Inutile de préciser qu'Adrian Lyne était attendu au tournant pour son film suivant.
Il en rajoute une couche en allant encore un peu plus loin dans le superficiel. Cette fois-ci, quasiment pas de scénario, juste la rencontre d'une jeune et très belle galeriste new-yorkaise en mal d'amour, mais aussi d'assouvissement corporel, avec son pygmalion sexuel. Comme si la sublime Kim Basinger pouvait manquer de soupirants. C'est Mickey Rourke, jeune yuppie un brin désabusé mais aussi un peu pervers, qui va opportunément offrir à la belle frustrée neuf semaines et demie de plaisir intense dans un New York devenu terrain de jeu érotique pour John et Elizabeth, qui s'abandonnent à leurs sens dans tous les endroits qui les inspirent, des plus bourgeois au plus sordides (pas trop quand même !).
Le tout est bien sûr magnifiquement filmé par Adrian Lyne qui connait parfaitement la musique. Une musique qu'il puise chez tous les chanteurs à voix du moment. Joe Cocker et son "You Can Leave Your Hat On" pour un striptease chaud bouillant comme on dit aujourd'hui, ou encore Brian Ferry et son très suave "Slave to Love" pour exposer la dépendance sexuelle de la belle Kim à son beau Mickey.
Nommé pour le prix du pire scénario et de la pire actrice aux Razzie Awards de 1987, "9 semaines 1/2" réussira quasi simultanément la prouesse de devenir un film culte et un échec financier aux États-Unis. Conséquence logique de ce paradoxe, les carrières de Kim Basinger et de Mickey Rourke seront définitivement lancées, alors qu'Adrian Lyne sera finalement abattu par la critique dès son premier échec après "Liaison fatale" qui l'a vu être définitivement relégué au rang de paria par l'intelligentsia. Il n'a plus tourné depuis 1997 et "Lolita", le remake du film de Stanley Kubrick (1962), crime de lèse-majesté ultime d'un réalisateur somme toute assez courageux refusant de plier face à une critique en train de ruiner sa carrière.
Trente ans après, "9 semaines 1/2" demeure certes un long clip complètement irréaliste et chichiteux à l'extrême, mais il faut tout de même reconnaître que la mise en image est sublime et que Kim Basinger était d'une beauté foudroyante qui pouvait peut-être à elle seule justifier l'envie d'un réalisateur de lui dédier entièrement un film certes dispensable, mais qui a au moins le mérite de ne pas tromper sur ses intentions.