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La mouvance "mumblecore" du cinéma américain des années 2000

Mumblecore est une mouvance du cinéma indépendant américain née au tournant du XXIe siècle. Ces films sont caractérisés principalement par une production « fauchée » (souvent tournés en numérique), des sujets tournant autour des relations entre personnes de vingt à trente ans, des dialogues improvisés et des acteurs non professionnels. Lynn Shelton, Andrew Bujalski, Mark Duplass et Jay Duplass, Aaron Katz, Joe Swanberg ou Barry Jenkins en sont les principales figures.

Le mot mumblecore a été forgé en 2005 lors du festival du film de South by Southwest par Eric Masunaga, un ingénieur du son travaillant avec Bujalski. Ce fut Bujalski qui employa le premier le terme lors d'une interview avec indieWIRE. Les metteurs en scène de ce genre de films sont aussi parfois regroupés sous le terme mumblecorps, à l'instar de press corps concernant les journalistes. Les critiques ont aussi employé les termes bedhead cinema (cinéma de tête de lit) et Slackavetes, un mot-valise venant de "Slacker", film des années 90, bavard et au son sale, et du nom du metteur en scène John Cassavetes.

"Dernier cri et marmonnements" : la génération spontanée du cinéma indépendant
Article de Laurent Rigoulet paru le 16 décembre 2007 sur www.telerama.fr

En 2007, une nouvelle expression est apparue dans le paysage du cinéma indépendant américain : "Mumblecore". Elle désigne un groupe de jeunes cinéastes qui surfent sur l'air du temps, produisent et distribuent leurs films eux-mêmes, en profitant des nouvelles technologies. L'avènement de la génération Do It Yourself.

Pour la presse américaine, c'est un semblant de nouvelle "nouvelle vague". Un micro-phénomène qui a fait son nid dans les festivals du pays et qui s'est déjà vu offrir trois appellations : "Slackavettes" (pour l'héritage de la génération "Slackers" et de John Cassavetes, pionnier des indépendants), "Bedhead cinéma" (« cinéma en chambre ») ou "Mumblecore", pour une tendance des personnages à ressasser leurs problèmes existentiels et à parler dans leur barbe (to mumble signifie marmonner).

Sous ces noms de code imagés se cache un groupe de jeunes cinéastes (Andrew Bujalski, Joe Swanberg, Mark Duplass, Susan Buice et Arin Crumley...) qui met leur force en commun pour couver une nouvelle portée dans le paysage encombré du cinéma américain. Pour la plupart, ils n'ont pas encore trente ans et se posent la question du cinéma en toute légèreté. Leurs films sont réalisés et montés dans leurs appartements et les aventures qu'ils mettent en scène ne dépassent guère le cercle de leurs connaissances. Leurs acteurs misent à peu près tout sur l'improvisation et cultivent un registre "nouveau naturel" qui doit beaucoup à la télé-réalité, et notamment au Real World de MTV, qui enregistrait en direct les états d'âme de post-adolescents en chambrée.

Tournés en DV, sans aucun moyen, les micro-films de l'école Mumblecore évoquent les courants musicaux très intimistes qui ont connu leur heure de gloire dans les années 90, âge d’or de l'autoproduction et de l'enregistrement à la maison. Ils proposent une déclinaison en images du bricolage "lo-fi" en huit pistes, des exercices de nombrilisme cafardeux des "Shoegazers" (« ceux qui regardent leurs chaussures »), ou des chansons en mode mineur de Dominique A et Katerine qu’on rangea, en leur temps, sous l’étiquette d’« école bébête ».

À l’heure de MySpace, des amitiés en réseaux et de l’amour virtuel, l’incommunicabilité est au cœur de tous les films de la génération mumble. Mais ses auteurs ont aussi un sens très pointu de la communication. S’ils font parler d’eux, c’est qu’ils s’échappent des sentiers balisés de la distribution en salles, sortent leurs films en DVD, les projettent dans Second Life ou les mettent en ligne sur YouTube ("Four eyed monsters", un des tubes de la Mumblecore, y a reçu près d’un million de visiteurs). Un critique américain faisait remarquer récemment que cette génération spontanée du cinéma indépendant est la première à se passer de la vitrine du festival de Sundance et à se soucier aussi peu des sirènes d’Hollywood. « Leurs films cherchent plus à établir un dialogue entre le cinéaste et son audience qu’à servir de carte de visite pour les studios », dit le producteur new-yorkais Scott Macaulay. Peut-être les œuvrettes de la Mumblecore n’arriveront-elles jamais jusqu’à nous. Mais elles existent. Et, pour ceux qui veulent en savoir plus, il est devenu difficile de ne pas les trouver.

Blu-ray et DVD The Criterion Collection de "Slacker" de Richard Linklater (1990)
Blu-ray The Criterion Collection de "Medicine for Melancholy" de Barry Jenkins (2008)