Menu Fermer

"Légitime violence"

Légitime violence - affiche

titre original "Rolling Thunder"
année de production 1977
réalisation John Flynn
scénario Paul Schrader et Heywood Gould
interprétation William Devane, Tommy Lee Jones, Linda Haynes

Le titre original du film

Il fait référence au nom d'une opération de bombardements aériens intensifs durant la guerre du Vietnam, effectués par l'USAF, l'US Navy et la Force aérienne du Sud-Viêt Nam contre le Nord-Viêt Nam et le Laos, entre le 2 mars 1965 et le 1er novembre 1968.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"Légitime violence", ressorti en Blu-ray l'été 2015, connaît une nouvelle jeunesse, étant affublé d'un statut de film culte dont il faut bien avouer qu'il est essentiellement d'essence américaine avec un certain Quentin Tarantino en tête de gondole qui considère sa scène finale comme un modèle d'efficacité. Au-delà de ce film méconnu, c'est le réalisateur John Flynn qui est aujourd'hui réévalué comme étant un des solides faiseurs des années 70 et 80. De sa filmographie ramassée (11 films), seuls "Pacte avec un tueur" et "Haute sécurité" ont eu en France une certaine audience.

"Légitime violence" a la particularité de traiter du retour difficile des GI's via le film de genre, ici le film de vengeance, procédé sans doute unique repris ensuite seulement par Ivan Passer en 1981 pour "Cutter's Way". Le scénario a été conçu à l'origine en 1973 par Paul Schrader, qui entendait le mettre en scène lui-même. Mais Lawrence Gordon, producteur successivement pour AIP, la Columbia et la Fox, trouvait le travail de Schrader trop nihiliste, présentant son héros comme un red neck raciste qui, de retour du Vietnam, n'a qu'une chose en tête, en découdre avec la communauté mexicaine de son bled. À l'époque, la guerre du Vietnam s'enlise et n'est plus populaire depuis longtemps dans l'opinion, effrayée par le nombre de jeunes Américains morts au combat et par l'état psychologique désastreux des GI's de retour au bercail. Hollywood n'entend donc pas s'étendre sur le sujet. De plus, Gordon jugeait sans doute que Schrader, alors dans sa période la plus créative mais aussi la plus destructrice, n'était pas en mesure d'assumer la tension d'un tournage.

Quatre ans plus tard, c'est donc John Flynn, qui vient de tourner "Échec à l'organisation" avec Robert Duvall, qui s'attaque au projet après la retouche du scénario par Heywood Gould. Certains personnages secondaires sont désormais développés, comme Linda Forchet (Linda Haynes), la jeune fiancée de guerre du major Charles Rane (William Devane). Si le film est toujours centré sur la violence du personnage principal, celle-ci n'est pas d'origine raciste, mais consécutive au meurtre crapuleux de la famille de Rane. Paul Schrader s'est assez vite désolidarisé du projet, qualifiant le film de "fasciste" et le ramenant ainsi brutalement à l'image peu flatteuse d'"Un justicier dans la ville". C'est occulter un peu trop vite la première partie du film, qui fait sa très troublante singularité.

Charles Rane et le caporal Johnny Vohden (Tommy Lee Jones), retenus prisonniers dans la jungle vietnamienne, sont accueillis comme des héros, mais ce sont deux zombies qui débarquent de l'avion cargo qui les ramènent au Texas. Le salut qu'ils s'adressent en se séparant sur le tarmac avant de rejoindre leurs familles respectives en dit long sur le vide abyssal qui les habite désormais. De retour certes, mais toujours l'esprit dans l'enfer asiatique, comme en feront désormais une règle les films sur le Vietnam. Le major Rane ne quittera plus les lunettes de soleil qui lui servent de paravent pour affronter le monde extérieur avec lequel il ne se sent plus en connexion. Quand sa femme lui annonce qu'elle le quitte pour un de ses amis, c'est avec détachement qu'il encaisse la nouvelle.

William Devane qui, après les désistements de Clint Eastwood, Charles Bronson ou Steve McQueen, a été imposé par Alan Ladd Jr, le patron de la Fox (Lawrence Gordon aurait souhaité que Tommy Lee Jones endosse le rôle), exprime parfaitement l'insensibilité du personnage qui, d'un calme glaçant face à toute situation, semble paradoxalement vidé de toute la violence qui lui a été infligée en détention. Une violence qui n'est en réalité que contenue, refaisant surface lorsque des malfrats (mexicains pour le coup) tuent, sous les yeux de Rane, sa femme et son fils, pour ensuite le mutiler lors d'une scène spectaculaire un peu racoleuse qui a valu au film sa réputation sulfureuse aux États-Unis.

La machine est dès lors lancée et, progressivement, le film glisse vers son volet vengeance beaucoup moins original et captivant, hormis la présence très charismatique de la très séduisante Linda Haynes au côté de William Devane, et la fameuse scène de tuerie finale vénérée par Quentin Tarantino. Le jeu marmoréen de Devane sera assurément minutieusement observé par Ted Kotcheff et Sylvester Stallone pour dessiner le contour psychologique du soldat John Rambo, que l'on peut voir comme le petit frère populaire du major Charles Rane.

Le film, fort déstabilisant et très original dans sa première partie, se réduit à un simple film de genre dans son finale pour respecter le cahier des charges voulu par Lawrence Gordon. Si "Légitime violence" est très respectable, montrant certaines qualités d'auteur chez Flynn, c'est bien le magnifique "Échec à l'organisation" qui reste au firmament de l'œuvre, à redécouvrir, d'un petit maître du Nouvel Hollywood.

Affiche alternative de "Légitime violence" © Tony Stella

Lieux de tournage de "Légitime violence" © Jesse Nickell
San Antonio & Helotes, Texas - 1977 vs 2019

Légitime violence - générique

FilmsFantastiques.com, L'Encyclopédie du Cinéma Fantastique
La chronique de Julien Cassarino
Les critiques de films de Citizen Poulpe
La critique de Bertrand Mathieux