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"John McCabe"

Portrait d'un aventurier désabusé dans une ville bourbeuse de l'Ouest

John McCabe - affiche

titre original "McCabe & Mrs. Miller"
année de production 1971
réalisation Robert Altman
scénario Robert Altman
photographie Vilmos Zsigmond
musique Leonard Cohen
générique Anthony Goldschmidt
interprétation Warren Beatty, Julie Christie, Shelley Duvall, Keith Carradine

Le titre du film

Le titre français fait la part belle au personnage interprété par Warren Beatty, John McCabe, au contraire du titre original qui fait également référence au personnage interprété par Julie Christie, Constance Miller.

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Jamais la neige n'avait été aussi présente dans un western. Elle donne à celui-ci un ton insolite et fascinant. La conquête de l'Ouest, ce fut aussi cela : l'envers de l'épopée fordienne, un univers sombre et étriqué, des aventuriers minables et la mort au bout pour les "petits", tandis que les grandes compagnies développent leurs profits.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Western désenchanté sur les rapports entre un faux héros et une tenancière de bordel. Une réflexion sur les pouvoirs de la légende et du capitalisme, ponctuée par des chansons de Leonard Cohen. D'étonnantes images (dues à un flashage du négatif) de Vilmos Zsigmond, et une bande son d'une immense complexité.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

À l'instar de ses collègues réalisateurs de la même génération (Blake Edwards, Monte Hellman, Sydney Pollack, George Roy Hill, Arthur Penn, Sam Peckinpah), Robert Altman signe, avec "John McCabe", un western hors normes, comme pour participer à la courte résurrection d'un genre tombé en désuétude au cours des années 50 à force de ne pas savoir se renouveler. Comme eux, Altman nimbe son film de la nostalgie du temps où l'initiative individuelle n'avait pas encore été entravée par la main mise du progrès et des trusts qui l'ont accompagné.

McCabe (Warren Beatty) est un petit entrepreneur qui a compris le parti qu'il pouvait tirer de la colonisation, avec quelques prostituées, des cités minières reculées où les ouvriers isolés se font un plaisir de dépenser leur argent à peine gagné dans les saloons et les bordels. Humaniste à sa manière, tâtant allègrement de la bouteille, McCabe n'a pas une vision très productiviste de son business, et l'arrivée dans la bourgade de Constance Miller (Julie Christie), prostituée expérimentée reconvertie en maquerelle avisée, va lui permettre de développer rapidement son affaire. Mais le capitalisme déjà triomphant qui va mener en quelques décennies les États-Unis à la tête de l'économie mondiale, n'entend renoncer à rien, et les riches trusts de l'industrie minière sont prêts à se diversifier dans le commerce des corps pour renforcer le contrôle de leur main-d'œuvre. Retoucher une partie des salaires versés n'est, après tout, pas si négligeable. McCabe, prié de revendre son affaire, endosse désormais le rôle de la chèvre de Monsieur Seguin. C'est une société en mutation et son basculement dans l'asservissement matériel qu'Altman décrit. Il n'en n'ira pas autrement pour sa deuxième et dernière incursion dans le genre ("Buffalo Bill et les Indiens"), où il s'attaquera plus précisément à la commercialisation du mythe de la conquête de l'Ouest par Buffalo Bill, son plus célèbre éclaireur, phénomène précurseur de la société du spectacle si chère à Altman.

C'est dans la région de Vancouver que le réalisateur reconstitue la cité minière de Presbyterian Church et peut conduire un tournage comme il les aime, c'est-à-dire dans l'esprit de troupe si propice à nourrir sa féconde créativité. McCabe, on le comprend très vite, n'est pas un héros, mais un quidam ordinaire qui, comme tout un chacun, essaie de survivre dans un environnement difficile. Le parti pris du réalisateur est donc ouvertement naturaliste, demandant à son chef-opérateur Vilmos Zsigmond une photographie n'utilisant presque pas la lumière artificielle destinée à magnifier les paysages et les acteurs principaux.

Idem pour le son, qui doit ressembler le plus possible à celui de la vie réelle. Même démarche au point de vue narratif où, hormis lors de la scène finale, aucun coup de feu ne sera échangé. Une démarche que lui reprochera Warren Beatty qui, au cours de la première à San Francisco, trouvera le son inaudible, ne permettant pas à son goût au spectateur de suivre correctement l'histoire. Il est en effet classique de mettre en avant le dialogue des personnages principaux dans un souci de clarté narrative. Les deux hommes ne tourneront plus jamais ensemble. Au final, Altman avait sans aucun doute raison, les enjeux du film étant assez évidents et l'intérêt de celui-ci reposant davantage sur la description des mœurs d'une communauté que sur les ressorts dramatiques.

Même froissé par les méthodes d'Altman et sans doute aussi un peu jaloux de la performance de Julie Christie sa compagne (nommée à l'Oscar) qu'il avait imposée, Beatty se montre très convaincant dans les fripes de McCabe, sorte d'idéaliste qui s'ignore, refusant de se soumettre à plus puissant que lui. Les rapports entre McCabe et Miller sont aussi finement ciselés par Altman, qui montre l'amour naissant insensiblement par-delà la relation d'affaires. De manière très poétique, il referme son film sur l'image de la très belle Julie Christie alanguie par les vapeurs d'opium et toute à la joie d'avoir enfin retrouvé l'amour non tarifé.

Un très beau film qui reste l'une des étapes importantes de la carrière de celui qui fut l'un des piliers de la Mecque du cinéma dans le dernier quart du XXe siècle.

Présentation de "John McCabe" par Jean-Baptiste Thoret au Centre des arts d'Enghien-les-Bains
dans le cadre du cycle "Ciné Seventies" en 2012-2013

4K+Blu-ray, Blu-ray et DVD The Criterion Collection de "John McCabe"

John McCabe - générique

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