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"Crimes et Délits"

Crimes et délits - affiche

titre original "Crimes and Misdemeanors"
année de production 1989
réalisation Woody Allen
scénario Woody Allen
montage Susan E. Morse
interprétation Woody Allen, Martin Landau, Mia Farrow, Anjelica Huston, Alan Alda, Jerry Orbach

Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard

Après une longue période d'introspection, Allen revient enfin à une forme de comique percutante et trouve un nouveau souffle.

Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon

Ou « Si Dieu n'existe pas, tout est permis ». Dans cette tragi-comédie, le plus pessimiste et misanthropique des films de Woody Allen, le crime paie, la vertu est punie et le vice récompensé. Plus que jamais moraliste (pour ne pas dire moralisateur), Allen dresse le bilan désabusé d'une époque (en gros, les années quatre-vingt, l'ère Reagan) vouée au culte de la réussite matérielle et éthiquement déficitaire.

La critique de Didier Koch pour Plans Américains

"Crimes et Délits" est sans doute la comédie dramatique de Woody Allen proposant la réflexion la plus pessimiste sur la nature de l'homme. Le réalisateur, entré depuis peu dans la cinquantaine, se trouve dans une période plus que difficile concernant sa relation avec Mia Farrow, dont on sait où elle le mènera quelques années plus tard. Le sujet du film, empruntant à "Crime et Châtiment" de Dostoïevski, traite de la culpabilité le plus souvent d'origine religieuse inculquée dès l'enfance qui se révélerait, selon les conclusions d'Allen, comme un frein à l'épanouissement, et pire encore, pourrait pousser au final leurs auteurs à des actes plus coupables que ceux douloureusement réprimés à force de frustration. Il est donc en pleine résonance avec l'expérience personnelle que vit le réalisateur au moment du tournage.

Initialement, le projet nommé "Brothers" était exclusivement centré sur deux couples de frères aux tempéraments et aux conduites de vie diamétralement opposés. D'un côté, des principes moraux stricts issus d'une éducation religieuse, de l'autre, une faculté à s'affranchir de ces mêmes principes pour se réaliser coûte que coûte lors de ce court passage terrestre qu'est la vie.

Judah Rosenthal (Martin Landau) est un ophtalmologiste réputé à la vie parfaitement réglée selon un conformisme bourgeois de bon aloi. Sa liaison adultère avec une jeune hôtesse de l'air (Anjelica Huston) lui fait développer un sentiment de culpabilité décuplé quand cette dernière lui impose le chantage classique qui forcera tôt ou tard Judah à affronter ses contradictions. Incapable de se résoudre à franchir le Rubicon, Judah va faire appel à son frère Jack (Jerry Orbach), gérant de boîte de nuit, qui va lui proposer une solution radicale mais sans risque.

Au cours du tournage, Allen s'est passionné pour ce dilemme remarquablement interprété dans toute sa complexité par Martin Landau, qu'il avait d'abord envisagé dans le rôle de Jack. Il a donc choisi de décentrer quelque peu son récit en le fixant sur cette intrigue devenue centrale. Celle concernant les deux autres frère, Ben (Sam Waterston), un rabbin devenant progressivement aveugle, et Lester (Alan Alda), un producteur de télévision à succès profitant pleinement de sa renommée sans entrave, servira juste de caisse de résonance au propos central, tout comme le rôle interprété par Woody Allen, petit réalisateur miteux s'abritant derrière des grandes théories sur l'intégrité artistique pour vivre aux crochets de sa femme et dénigrer la réussite de son beau-frère.

Ce choix s'avérera effectivement judicieux tant Martin Landau, jusqu'alors uniquement reconnu comme acteur de télévision ("Mission : impossible", "Cosmo 1999") et de seconds rôles de méchants, parvient à exprimer toutes les petites lâchetés de la nature humaine qui expliquent, par leurs additions successives, comment la vie en société génère assez souvent les plus grandes catastrophes. L'académie des Oscars saluera ce constat lucide et amer de trois nominations revenant à Woody Allen (réalisation et scénario original) et à Martin Landau (second rôle masculin).

Rarement à pareille fête depuis "Annie Hall" réalisé douze ans plus tôt, Allen, s'il n'est pas aussi drôle et brillant sur la forme que dans ses meilleures comédies introspectives, montre, avec "Crimes et Délits", qu'il est capable de se servir de son art de la dérision pour dresser un portrait assez sombre d'une hypocrisie sociale dont, en filigrane, il ne s'exonère pas lui-même.

Crimes et délits - générique

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