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"Bienvenue à Gattaca"

Un seul critère de sélection : la perfection génétique.

Bienvenue à Gattaca - affiche

titre original "Gattaca"
année de production 1997
réalisation Andrew Niccol
scénario Andrew Niccol
photographie Slawomir Idziak
musique Michael Nyman
interprétation Ethan Hawke, Uma Thurman, Alan Arkin, Jude Law, Ernest Borgnine, Elias Koteas
 
récompenses • Prix spécial du jury au festival international du film fantastique de Gérardmer 1998
• Prix du meilleur film au festival international du film de Sitges 1997
Les ressources pédagogiques du site Zéro de conduite
♦ Dossier pédagogique consacré à "Bienvenue à Gattaca"
S'interroger sur les dérives de la génétique
Disciplines : anglais, philosophie - Niveau : lycée
Bienvenue à Gattaca - CNC
Dossier pédagogique du CNC consacré à "Bienvenue à Gattaca"
dossier enseignant et fiche élève

La musique de "Bienvenue à Gattaca"

Jean-Pierre Py, Collège de l'Isle

1. Le compositeur : Michael Nyman

Michael Nyman est un compositeur d'origine anglaise né dans l'immédiat après-guerre. Des études de musicologie (il publie des essais sur Purcell et Haendel) et des recherches sur les musiques populaires roumaines l'amènent à la fin des années 60 à travailler en tant que critique musical dans différentes revues spécialisées.
Il compose dès 1974 (Experimental Music), influencé par la musique répétitive de Steve Reich. Progressivement, il s'essaye dans des genres très variés allant des arrangements de chant du 18e siècle pour le théâtre à la musique expérimentale pure en passant par l'opéra, la danse contemporaine et le cinéma. Il a aussi fondé son propre orchestre (le Michael Nyman Band).
Nyman est avant tout connu du grand public grâce à ses musiques de films, principalement ceux de Peter Greenaway avec lequel il a collaboré à 11 films entre 1976 et 1991. Il a également travaillé avec Jane Campion ("La leçon de piano"), Volker Schlöndorff ("Songbook", "L'Ogre"), mais aussi Patrice Leconte ("Le mari de la coiffeuse", "Monsieur Hire"), Christopher Hampton ("Carrington") et d'autres encore : en tout, plus d'une trentaine de musiques de films sont à son actif.
Michael Winterbottom lui commande en 1997 la musique de "Bienvenue à Gattaca".

2. Généralités

Pour bien situer le rôle de la musique dans le film, nous pouvons rappeler comment s'organise la bande-son.
Les différents types de sons employés dans la bande-son :
voix -> in : on entend ce qu'on voit (pianiste que l'on voit en train de jouer et dont on entend sa musique) ;
bruits -> off : les sons se superposent à l'image, on entend des voix, des bruits ou des musiques que les personnages du film n'entendent pas mais qui renforcent les intentions de la mise en scène (scène du lever du soleil dans la centrale solaire) ;
• musiques -> hors-champs : les voix, les bruits ou la musique sont présents dans la scène, les personnages les entendent, mais le spectateur n'en voit pas à l'image les sources sonores (gros plan sur Vincent/Jérôme pendant le concert...).

3. Les thèmes musicaux

Michael Nyman a retenu l'idée d'associer les principaux personnages à deux thèmes qui reviennent régulièrement dans le film.

3.1. Le thème de Vincent / Jérôme / Eugène

Il regroupe sous une même entité musicale ces trois personnages qui, dans le film, sont intimement liés (Vincent prend le nom de Jérôme avec l'empreinte génétique d'Eugène).
Une longue introduction sur un rythme de battement cardiaque (marqué par les contrebasses en cordes pincées) crée immédiatement chez le spectateur une angoisse et une identification au personnage de Vincent.
Après 24 longues secondes, la mélodie se fait entendre. Cette attente semble annoncer dès le début du film qu'il faudra du temps à Vincent pour parvenir à ses ambitions (contrairement à Irène, déjà installée à un poste élevé lorsque Vincent entreprend son imposture, et dont le thème musical commence dès la première note). Ces battements du cœur insistent également sur la faiblesse génétique de Vincent à qui on a prédit une mort prématurée d'un accident cardiaque.

Ce thème tourne en rond autour des mêmes notes et des mêmes rythmes, puis est réentendu transposé dans l'aigu, ce qui donne l'impression de monter graduellement comme un escalier sans fin. On peut penser que l'une des images qui a inspiré le compositeur Michael Nyman est celle où le personnage en chaise roulante se trouve devant l'escalier en vis. L'image ci-contre illustre en effet la pochette du disque de la B.O. du film. Cet escalier en vis, qui évoque très nettement la forme en hélice de l'A.D.N., inspire aussi l'idée de l'homme capable de se hisser au-delà de sa condition sociale et génétique (finalement, Vincent y arrive de même qu'Eugène arrive à monter cet escalier à la seule force des bras).

La pulsation bien marquée de ce thème impulse en fait comme un décompte qui entretient une impression d'attente chaque fois qu'il revient dans le film. Et précisément, une bonne partie du suspens du film joue sur l'éventualité que la supercherie du trio Vincent/Jérôme/Eugène soit démasquée.
L'harmonisation du thème maintient l'impression angoissante de l'introduction, car le compositeur évite soigneusement de faire entendre les repères de la tonalité. Les successions d'accords ne s'enchaînent pas selon les principes habituels de l'harmonie (tensions et détentes) : ici, tout est confusément tendu sans jamais vraiment pouvoir s'apaiser. Cette sensation de malaise, d'apesanteur, de froideur règne pratiquement sur tout le film et la musique y est pour beaucoup. La bande sonore renforce grandement les lumières blafardes et artificielles, l'absence de toute végétation, les cadrages...
Toujours dans le sens de l'évocation d'une longue ascension sociale, on peut noter un crescendo très progressif sur tout le thème de Vincent.

3.2. Le thème d'Irène

Il apparaît d'emblée plus calme et plus équilibré (le rythme est en blanches), moins tourmenté que celui de Vincent. Les sons de cordes synthétiques apparentent ces deux thèmes : Irène et Vincent appartiennent bien au même univers. Néanmoins, la présence lointaine du cor apporte une petite note de chaleur et illumine quelque peu l'allure de la jeune femme.
Le thème d'Irène rappelle la musique de la scène du lever de soleil que le compositeur a voulu associer musicalement. Il n'est entendu que deux fois dans le film : au moment de la scène d'amour dans la chambre d'Irène et à la fin du film, tel un dernier adieu.
Ce thème démarre sans introduction (Irène est déjà installée dans ses fonctions dès le début du film). Le profil mélodique rectiligne et ascendant accroît l'impression de droiture du personnage.

À la fin : les thèmes d'Irène et Vincent ne se superposent pas comme cela aurait pu être le cas (dans la musique romantique, les thèmes masculin et féminin se superposent parfois). Ici, les deux thèmes se côtoient mais ne se mélangent pas, ce qui renforce la solitude qui pèse tout au long du film sur tous les personnages.

4. Analyses de scènes

4.1. La scène du lever de soleil sur les panneaux solaires

La musique "It must be the light" est entendue (musique off). À l'écoute de cette musique, nous sommes comme immergés au milieu de sons en nappes joués au synthétiseur (auxquels s'ajoutent quelques notes répétées en effet d'écho au piano qui accentuent l'impression d'espace).
L'arrivée du cor évoque le lever du soleil : le cor (instrument issu du cor de chasse) est l'instrument qui dépeint traditionnellement la forêt dans les musiques descriptives (on l'entend par exemple dans "La Moldahau" de Smetana, plus récemment, W. Scheller a employé cet instrument dans sa chanson "Les miroirs dans la boue" avec la même intention). Dans cette scène de film où la végétation est totalement inexistante, la présence sonore du cor évoque de façon plus générale la nature (d'autant plus que cet instrument acoustique, naturel, s'ajoute à des sons synthétiques et qu'il fait entendre une envolée mélodique qui contraste complètement avec la froideur des sons précédents).
Par ailleurs, le cor possède un son brillant et lumineux (en raison de son appartenance à la famille des cuivres), qui lui permet d'illustrer musicalement le soleil. En outre, son aspect métallique et rond pourrait suggérer le métal et la forme des panneaux solaires eux-mêmes que l'on voit dans la scène.

4.2. La scène du concert

Le pianiste aux douze doigts joue l'Impromptu op. 90 de Schubert, version modifiée pour douze doigts par Michael Nyman (musique in, hors champs et off selon les plans).
Un impromptu est une pièce pour piano sans forme fixe mais de caractère à la fois mélodique et virtuose (Schubert, qui est l'initiateur de cette forme, s'est inspiré de ses lieder pour le côté mélodique). Il y a toujours un côté un peu étrange dans les impromptus. Cet impromptu op. 90 est à la fois lumineux et très mélodique dans l'aigu et étrangement sombre par la présence de basses souterraines qui grondent progressivement à la main gauche du pianiste.
Ces deux aspects se retrouvent dans le montage parallèle qui alterne les plans chaleureux du concert et ceux plus sombres de l'enquête policière qui se déroule simultanément. Les 2 minutes 50 secondes du morceau sont alors entendues intégralement. La musique est employée dans cette scène pour marquer le déroulement du temps et pour rendre compréhensible au spectateur la simultanéité des deux actions.
Il ressort de cette scène centrale du film, après une longue première partie extrêmement froide, une impression curieuse à l'oreille : les sonorités romantiques deviennent tout à coup étranges et inhabituelles. À ce moment du film, le réalisateur et le compositeur ont voulu casser la continuité sonore précédemment installée pour en rompre la monotonie (un peu comme le break dans une chanson de rock). Cette scène du concert sépare assez nettement la première partie du film dans laquelle les éléments se mettent en place (comme sur un échiquier) et la seconde moitié du film où tout bascule et s'accélère.

4.3. Scène du tunnel

Sonorités proches de l'univers sous-marin, échos très importants.

5. Conclusion

La musique participe grandement à la lisibilité des différents éléments du film : les décors, les différents personnages, les différentes scènes.
La musique joue un rôle déterminant dans la perception de l'univers du film à la fois étrange et glacé (si on mettait à la place une musique plus légère et mélodique, la perception du film serait très différente).
Les différentes musiques tissent l'unité du film.
De nombreuses scènes courtes sont réunies par une même musique mais, le plus souvent, la musique renforce le découpage des différentes scènes : une musique correspond à une scène.
Cela dit, on peut observer très souvent un décalage non négligeable entre la musique et l'image. La bande son annonce très fréquemment la scène suivante avant même que l'image ait changé (transition par tuilage qui accentue une impression d'étrangeté ou de poésie).
Les bruits et les réverbérations sonores, souvent fortement amplifiés, renforcent l'image.

Les deux personnages principaux ont chacun leur thème, c'est le principe du leitmotiv qui a été inventé par Wagner dans ses opéras (rappelons que Wagner a mis en musique toute une mythologie de personnages d'essence supérieure comme dans ce film). Ce principe des leitmotive a été très tôt utilisé dans le cinéma hollywoodien, en partie parce qu'au moment de la montée du nazisme en Allemagne, de nombreux compositeurs formés à l'école wagnérienne ont émigré aux États-Unis et ont travaillé pour le cinéma.
Mais ici, il n'y a pas de superposition des thèmes masculin et féminin comme cela arrive parfois dans la musique romantique.

Bienvenue à Gattaca - Pete Majarich
Affiche alternative de "Bienvenue à Gattaca" © Pete Majarich

Bienvenue à Gattaca - affiche

Bienvenue à Gattaca - générique

Bienvenue à Gattaca - générique

FilmsFantastiques.com, L'Encyclopédie du Cinéma Fantastique
La chronique de Gilles Penso